L'ÉNIGME de l'ASSOCIATION de L'{ORGANE-CERVEAU} AVEC CE QU'ON APPELLE "L'ESPRIT",
car

c'est bien le cerveau qui, au cours des millénaires d'évolution des espèces vivantes, s'est formé et a appris à se construire et est devenu chez l'Homme tel qu'il est aujourd'hui, tout en se servant de soi-même et de ce qui l'entoure. Mais nous n'avons pas encore compris comment, à lui seul, il réussit le fabuleux tour de force de fabriquer l'esprit qui finalement l'habite.

C 'est le problème fondamental, celui dont découlent la plupart des autres difficultés. Ce problème est encore toujours non résolu et entouré de mystère parce qu'il est encore toujours un sujet de disputes « philosophiques ». C'est l'éternelle et l'une des principales sinon peut-être même la seule cause à l'origine de l'existence et de la diversité des « factions » ou « écoles » de psychiatrie se revendiquant chacune de son « orthodoxie » particulière et défendant des/ses « vérités » qui se mélangent voire se confondent avec les croyances prédominantes dans le grand public et professées diversement dans les « sociétés » elles-mêmes de « professionnels psy ».

Pour une partie de ces écoles (celles qui sont réputées agnostiques et se réclament d'un certain positivisme et du matérialisme), ces « vérités », à l'exclusion de toute hypothèse surnaturelle, ne reposent que sur des arguments qu'elles pensent rationnels, testables - et testés - empiriquement (donc scientifiquement), « expliquant » les manifestations dites de « l'esprit » (logiquement, rationnellement mais, comme toujours pour toutes les sciences dites « sérieuses », ces explications ne restent valables seulement que temporairement [= en anglais: "tentatively"] en fonction de l'évolution et des progrès des connaissances scientifiques qui ne pourront manquer d'éventuellement imposer de les modifier et corriger à l'avenir). Ces écoles reconnaissent néanmoins et admettent aussi l'existence de phénomènes dits « psychologiques » (considérés comme « normaux » ou parfois peut-être « anormaux ») dont les causes et mécanismes physiques sont encore hypothétiques et en réalité provisoirement inconnus (ce qui donc contribue à leur participation à « l'énigme de l'esprit »).

Pour d'autres « chapelles psy » par contre, de nombreuses « explications », cette fois non plus prouvées empiriquement mais d'invention et d'imagination de ce qu'elles appellent « le psychisme » sont avancées en supplément, reflétant des croyances mythiques datant de temps immémoriaux - « explications » analogues à celles de diverses cosmologies et de dogmes religieux dont elles sont en fait les descendantes et les héritières actuelles -. Les origines très anciennes de ces croyances leur confèrent un caractère « sacré » et intangible (tabou), dont les adeptes regroupés en diverses « sociétés » refusent habituellement, voire interdisent d'en discuter le bien fondé, de crainte sans doute qu'on ne le(s) critique et ne les mette en doute. Ces croyances sont censées combler les lacunes de nos ignorances en s'y substituant (pour ces factions psy, il n'y aurait donc pas d' « inconnues », pas d'énigmes et, se basant sur une autorité dite « indiscutable » parce que d'inspiration dogmatique d'origine sur- ou supra-naturelle présumée, et donc en quelque sorte divine dont elles sont convaincues. (Selon ses partisans, cette opinion, puisque « révélée » devrait s'imposer à tous, ils disposeraient par conséquent toujours des « explications irréfutables » à toutes les questions, surtout s'il s'agit d'énigmes). De plus, et de quelque bord ou « tendance » qu'elles soient, ces factions-là, comme elles pensent avoir réponse à (presque?) tout, se considèrent trop souvent comme « supérieures » à toutes leurs concurrentes agnostiques ou athées; en effet, celles-ci s'interdisent d'exploiter des arguments invoquant un surnaturel qui ne peut, selon leurs membres, être que des croyances, c.-à d. des inventions et des fictions, donc dépourvues de preuves démontrées empiriquement.

Il s'ensuit que toutes les écoles psy, quelles que soient les croyances personnelles (affichées ou non) des membres de ces diverses « sociétés » psy, produisent inmanquablement des psychiatres, des « écoles », « cercles » et « sociétés » de psychologie formant des psychologues appartenant à de multiples « différents courants de pensée » distincts et d'opinions contradictoires.

Le problème par conséquent toujours litigieux de la nature de « l'esprit » - de son origine, de sa formation et du postulat, par certains, de son existence (supra?) physique mystérieuse, surnaturelle, autonome et indépendante de toute matière ! - figure aussi parmi les facteurs responsables de la prolifération mal contrôlée (voire peut-être incontrôlable?) de nombreux soi-disant psychothérapeutes (visionnaires), « francs-tireurs psy » plus ou moins autonomes, « dissidents » et/ou schismatiques autoproclamés des écoles et sociétés psy officiellement ou traditionnellement reconnues, promoteurs et praticiens de [pseudo- et psycho-]thérapies revendiquant une « originalité » prétendûment « seule efficace pour traiter les troubles de l'esprit » mais aussi fort souvent des plus fantaisistes, qu'on peut raisonnablement qualifier de charlatanesques.

La croyance en une liaison (ou association) d'un hypothétique "esprit" « cohabitant ou locataire fantôme spirituel » d'origine surnaturelle (divine ?), squattant en quelque sorte l'organe résidant sous le crâne, c.à.d. le lien particulier du cerveau avec « l'esprit », était déjà affirmée et exploitée par les chamanes (?) et devins, augures ou magiciens et autres aruspices, dès la préhistoire, ainsi qu'en attestent les vestiges des trépanations crâniennes pratiquées par « l'homme des cavernes », exhumées et mises au jour par les fouilles des archéologues préhistoriens. Elle a effectivement toujours constitué une énigme faisant partie obligée de l'arsenal des soi-disant mystères et secrets sacrés bien gardés et entretenus, de tous temps monopoles des castes expressément privilégiées de ces hommes (et femmes) dépositaires désignés d'un art et d'un savoir ésotériques réputés « transcendantaux » révélés et transmis ou légués par une ou plusieurs des diverses divinités de toutes les religions passées et actuelles sans exceptions.

L'énigme de la manifestation de l'esprit humain imaginé sortir du cerveau, comme l'eau jaillissant d'une source souterraine, née de la pluie tombée d'un ciel habité par la providence, à défaut de véritables explications vérifiables, on prétend « l'expliquer » et la justifier par la transcendance et le mystère. Tout naturellement s'ensuivent les multiples hypothèses et méthodes fort variées auxquelles recourent encore et que mettent diversement en oeuvre les actuels représentants et praticiens des « disciplines » et techniques dites de « soins de santé mentale ».

L'énigme persistante et toujours bien vivante engendre les nombreuses difficultés encore rencontrées de nos jours par les « thérapeutes » contemporains pour unifier en une seule version rationnellement cohérente leurs représentations et visions (leurs interprétations) de la nature des troubles psychiatriques (« les maladies de l'esprit ») à quoi ils sont confrontés chez leurs patients/clients. Mais encore, ces interprétations dictent par conséquent les choix des moyens, des procédés et de soins divers - et cela forcément en diversité à peu près infinie puisque seulement limitée par l' imagination inépuisable de leurs auteurs. Ces moyens imaginaires et de suggestion, ils les croient adéquats à traiter les manifestations morbides et socialement invalidantes de ce qu'ils dénomment « l'esprit malade », et les soignants qui y croient en attendent sans doute des succès thérapeutiques dont ils espèrent se convaincre eux-mêmes encore plus que le grand public. De nos jours, ce dernier commence toutefois à éprouver quelques doutes quant à ces succès annoncés à répétition, parce que, depuis longtemps déjà, ils tardent trop à se concrétiser de façon quelque peu convaincante.

Les thérapeutiques « psy » pratiquées majoritairement dans nos pays occidentaux européens se caractérisent donc par deux voies conceptuelles d'approche principales des troubles mentaux auxquelles on peut les résumer (observation fréquemment présentée péjorativement par les tenants spiritualistes de la « transcendance du psychisme » comme étant "manichéenne" ):
> d'une part les approches dites « spiritualistes », se targuant de privilégier l'écoute et de dialoguer « directement » (?) avec « l'esprit » (?) du malade, se fixant pour objectif de « guérir » cet esprit par la parole (?) ;
> d'autre part les approches proprement médicales qu'on pourrait qualifier de plus pragmatiques et « plus interventionnistes », qui prescrivent au malade une médication neuroleptique destinée à corriger les conséquences nuisibles des altérations pathologiques de ses circuits neuronaux (altérations dont les scientifiques ont démontré à suffisance l'incontestable réalité), sans pour autant négliger le dialogue avec le malade, ce dialogue permettant de juger de l'effet de la médication et de la soutenir si cet effet est favorable, ou de la modifier pour tenter de l'améliorer dans le cas où son effet ne serait pas satisfaisant ou suffisant.

Ces deux approches sont souvent présentées comme opposées, voire inconciliables. En effet, la première des deux approches considère que « l'esprit », que pourtant les défenseurs de cette croyance ne sont pas capables de concevoir (c.- à d. de se représenter) ni par conséquent de définir, serait une entité immatérielle, autonome et séparée du corps auquel ce concept fantôme commanderait. Pour ces croyants et depuis au moins l'antiquité, c'est bien « l'esprit » immatériel des malades mentaux qui est atteint par la « maladie » plutôt que les composantes matérielles de son cerveau, car cet organe est très discret, on ne le voit pas ni ses composantes dont on oublie l'activité incessante parce que tout cela reste bien caché et silencieux à l'abri dans l'opaque boîte crânienne.

Tandis que la deuxième approche affirme que c'est le fonctionnement continu du cerveau qui engendre en permanence et donc crée « l'esprit » en le renouvelant sans cesse; (J'ai déjà dit ailleurs que, pour moi, l'esprit est la musique jouée par l'orchestre des neurones) et ce sont donc les lésions de ses neurones qui sont responsables des troubles « psychiques », parce que ces neurones abîmés ne sont plus capables d'exécuter ensemble certaines partitions comme leur composition l'exigerait, ni même de lire les partitions qui lui sont soumises pour les traduire en une apparence compréhensible à autrui d'un « esprit » correct.

Ces deux approches sont-elles vraiment si complètement opposées l'une à l'autre? Si, comme le prouvent aujourd'hui clairement les chercheurs des neurosciences, les neurones, leurs synapses, leurs circuits sont désorganisés (par des processus biologiques) chez les personnes atteintes de psychoses chroniques, comment l'esprit, que les spiritualistes supposent indépendant, autonome et inaltérable grâce à son immatérialité postulée, pourrait-il néanmoins continuer à communiquer avec nous par l'intermédiaire normalement obligé de cette sorte d'indispensable réseau téléphonique neuronal naturel désormais compromis et défectueux, sinon en laissant les partisans de l'approche empirique tenter de réparer médicalement ce réseau neuronal ?
Pourquoi ignorer, négliger, mépriser, dénigrer, voire combattre les thérapeutiques basées sur pareille option?

 


Première publication: 30 septembre 2016 (J.D.) Dernière modification: 30 septembre 2016

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