Publié le 8 octobre 2007 sous l'intitulé
Plus psy que ceux-là ...
en réaction à l'article
paru le 27 septembre 2007
dans l'Express (p.12) sous le titre
"Je ne suis pas
le Fernandel de la pédopsy"

par Marcel Rufo
entretien avec Claire Chartier

41. "[...]Un jour, le Pr Arthur Tatossian, mon maître, me dit: «Examine-moi comme si j'étais un schizophrène.» A la fin de la consultation, il me lance: «Oh! la la! je me sens de plus en plus schizophrène!» C'est génial, non?"

Deux "psys" qui de pareille façon feraient un numéro de pitres censé parodier (et justifier?) les relations thérapeute/thérapisé, plutôt que du Fernandel, ne serait-ce pas du mauvais Stan Laurel et Oliver Hardy? On devrait demander leur avis aux patients psychotiques (peut-être "soignés"?) par de tels artistes ... (v. Mots de Psys)


Mis en ligne le 14 janvier 2008 sous l'intitulé
Interprétation journalistique
et humoristique (?) de la psychose

en réaction à l'article
paru le 7 janvier 2008 dans la Dernière Heure
"Les fausses alertes se multiplient"
signé de Nawal Bensalem

42. "Il a remis son humour douteux à jour ce vendredi soir, profitant de la menace terroriste qui plane..."
(Souligné par moi)

Brodant sur une dépêche de l'agence de presse Belga, Mr Nawal Bensalem, "journaliste" à "La Dernière Heure", rapporte et interprète à sa façon les motivations qui, selon lui, auraient poussé un malade (déjà hospitalisé précédemment et traité pour les mêmes troubles psychiatriques!) à inutilement alerter les services de police et les pompiers à propos de bombes qu'il imaginait avoir été placées dans plusieurs grandes gares belges par "al-Quaida" (ce qui a provoqué une belle pagaille ferroviaire!).

Parlant à ce propos de "mauvaise blague", le "journaliste" semble ignorer qu'un malade à tendances paranoïdes, surtout quand il est assailli de rumeurs de menaces terroristes qu'on répand (plutôt inconsidérément) par médias très officiels interposés, réputés responsables, court un grand risque de prendre ces rumeurs au sérieux, pour réelles et avérées. Alors que lui, le "journaliste", il est habitué par sa profession à distinguer les infos sérieuses de celles qui le sont moins. Souvent, quoique peut-être involontairement (on veut du moins l'espérer), tout en aidant à les diffuser toutes, il en prend, par erreur, certaines "à la blague", pour des blagues de mauvais plaisantins. Mais les présente-t-il toujours toutes comme telles, les faisant passer pour un divertissement dont, pour reprendre ses termes, certains "profiteraient"? "L'humour douteux" (sic), dans la tête de qui est-il vraiment, de celle de l'auteur des faits ou de celle du rapporteur?
On pourrait en effet parler de "mauvaise blague" si elle avait été commise par une personne en bonne santé mentale. Mais, précisément, l'auteur des faits était un patient psychiatrique déjà soigné auparavant "pour des faits similaires" (sic), ce que Mr Nawal Bensalem lui-même rappelle: il ne l'ignorait donc pas. Mr Nawal Bensalem nous dit aussi qu'il faudra attendre pour savoir si le malade sera "jugé responsable de ses actes".

Mais comment départager les responsabilités des uns et des autres? Responsabilités de ceux qui font planer des rumeurs mal définies de menace terroriste et risquent ainsi de susciter dans le public la paranoia ou de l'exacerber; responsabilités de ceux dont le métier est de soigner efficacement cette paranoia chez ceux chez qui elle existe déjà, mais ne s'assurent pas des bons effets de leurs soins; responsabilité enfin de celui qui, malade paranoiaque, croit sincèrement (et civiquement) assumer ses responsabilités de citoyen en alertant les autorités au sujet de menaces sur lesquelles ces autorités elles-mêmes ont attiré son attention morbide par leurs avis à la population?
Ces questions-là, pourtant essentielles, ne semblent pas avoir effleuré l'esprit du "journaliste". N'aurait-il pas été plus intéressant et plus juste de les évoquer, plutôt que de parler de "mauvaise blague"?


Mis en ligne le 3 mars 2008
sous l'intitulé
Technique de la boule de cristal
en réaction à l'article
paru le 6 février 2008
dans Le Soir en ligne
"Le rôle du psy:
éclairer au mieux le magistrat"
signé Jean-Pierre Borloo

43. "Le psy doit éclairer le juge, ni plus ni moins. Il ne doit pas juger à sa place. Son apport doit être technique, précis et clair, pour permettre au magistrat de mieux appréhender l'individu qu'il doit juger, ainsi que son vécu au moment des faits et ses perspectives d'avenir - dont le risque de récidive"

Le journaliste du Soir persiste à accréditer la légende qui voudrait nous persuader du caractère scientifique des expertises de "voyance psychatrique" auxquelles on procède rétrospectivement, et dans lesquelles on prétendrait que la "technique de prescience scientifique" (??) permettrait de prédire d'un seul individu "expertisé" s'il risque de commettre à nouveau un méfait (alors que pas plus l'expert qui "expertise" que le juge qui "décide" n'ont été témoins du premier "crime"?

Nous avons déjà signalé que, pour certains de nos "experts" réputés, chevronnés et émérites eux-mêmes, les expertises psychiatriques n'ont rien de "scientifiquement vérifiable" (sic)(v. Mots de psys) et qu'elles posent toujours plus de questions qu'elles n'y apportent de réponses claires (v. Questions).

L'apport présumé technique de "l'expert", c'est la prestation technique et artistique de l'illusionniste de music-hall qui suggère plus ou moins habilement ce que le public attend de lui, il n'a rien d'une évaluation scientifique et objective qui étayerait la validité d'une théorie. Quand osera-t-on le reconnaître ouvertement?


Mis en ligne le 3 mars 2008
sous l'intitulé
Ah! Cette fichue simulation...
en réaction à l'article
paru le 14 février 2008
dans Lalibre.be
"Hallucinations, voix et délires"
signé de Laurence Dardenne

44. "Les symptômes de la schizophrénie ne sont en principe pas difficiles à déceler. Sauf simulation, selon un 'psychiatre judiciaire'." (le soulignement est de moi -J.D.)

C'est ce que la journaliste de "La Libre Belgique" a appris et retenu de ce que lui a confié un "psychiatre judiciaire" (sic), au sujet de ce jeune homme (20 ans) accusé d'avoir tué ses parents et sa soeur, à Bruxelles il y a quelques mois.

Voilà qui explique enfin bien des choses! C'est sans doute cette maudite et sournoise simulation qui, généralisée, est responsable de ce que de très nombreux cas de schizophrénie ne sont le plus souvent diagnostiqués qu'après des mois, voire plusieurs années après les premières consultations chez le psy! Mais il est vrai que ces dernières ne sollicitent habituellement pas l'avis de "psychiatres judiciaires"! Peut-être faudrait-il changer cela?


Mis en ligne le 3 mars 2008 sous l'intitulé
Le constat du présent a changé de nom!
Serait-il devenu la prédiction du passé?

en réaction à l'article
paru le 15 février 2008 dans Le Figaro
"Prédire le début de la schizophrénie"
signé de Jean-Michel Bader

45. "...Il serait possible de détecter à l'avance les jeunes qui deviendront schizophrènes ou psychotiques avant que l'explosion de la maladie ne se manifeste."

La "détection" de ceux qui "deviendront" schizophrènes n'est possible avec quelque certitude qu'une fois que les signes sont manifestes. Et "prédire le début de la schizophrénie", malheureusement, c'est aujourd'hui encore confondre science et prescience, c'est prédire l'orage alors que tombent déjà les premières gouttes, ou encore c'est être absolument sûr de gagner à la loterie en n'ayant pris qu'un seul billet.

Si le journaliste du "Figaro" y avait réfléchi, il se serait peut-être souvenu de la devise du chef de gare "L'heure, c'est l'heure. Avant l'heure, ce n'est pas encore l'heure, après l'heure, ce n'est plus l'heure". Quand on "détecte" les signes de la schizophrénie, ce n'est déjà plus l'heure de prévoir, mais bien des "psys" ne veulent pas le savoir.


Mis en ligne le 3 mars 2008 sous l'intitulé
Crac! V'la l' facteur! en réaction à l'article
paru le 21 février 2008 dans Le Généraliste (n°864)
"Le cerveau et l'esprit à nouveau réunis"
signé Dr M. Langendries

46. "...corps et esprit sont deux facteurs interdépendants, qui s'influencent continuellement l'un l'autre."

Ce qui est "médicalement" gênant, aussi bien dans cette affirmation que dans le titre choisi pour l'article d'où elle est extraite (citant les propos d'un psychiatre brugeois et paru dans une gazette pour médecins belges), c'est de ne pas dire clairement en quoi consistent, en réalité, ces deux "facteurs" cités, et l'éternelle obscurité "psy" ainsi à nouveau entretenue laisse imaginer qu'il s'agit de deux "choses" qu'on pourrait considérer comme étant équivalentes et sans doute de même nature (quoique distinctes tout en ne l'étant pas?)
C'est un peu comme si le Prof. Nancy Andreasen (v. Faux Savoir) avait dit: "...Le danseur et la danse à nouveau réunis..."

Décidément, certaines représentations, pourtant simples, de "l'esprit" et du cerveau (du corps) ont du mal à se frayer un chemin dans "l'esprit" (et dans le cerveau?) de nos professionnels du mental!


Mis en ligne le 17 août 2008 sous l'intitulé
Postuler a priori l'équivalence de l'imagination pure de l'expert
et du savoir scientifiquement démontré?
en réaction à "l'Entretien"
paru le 6 août 2008 dans L'Humanité intitulé
"Différencier maladie mentale et troubles de la personnalité"
propos du Dr Roland Coutanceau
recueillis par Marie-Noëlle Bertrand

47. "...il faut que sa maladie entraîne des éléments délirants (sic) et qu'il ait été établi que ces éléments sont à l'origine du passage à l'acte" (emphase rajoutée par moi)

Le distingué psychatre français, expert national auprès des tribunaux, décrit à la journaliste - à la suite d'un récent et odieux assassinat - les distinctions qu'il fait entre ce qu'il appelle "état limite" (trouble borderline) et "schizophrénie délirante chronique". Selon lui, dans le premier cas, il ne s'agit que "d'une personne bizarre dans le contact qu'elle entretient avec les autres" (sic) et, toujours selon cet expert, on ne parlerait pas alors de "maladie mentale", mais de "troubles du comportement" (sous entendu: toujours dépourvus d'idées délirantes et d'émotions paniques). Les personnes ainsi étiquetées seraient responsables des actes qu'elles posent, et si ce sont des crimes, elles doivent être condamnées à une peine.

Il parle de "schizophrénie délirante chronique" sans toutefois préciser que toute chronique que soit la schizophrénie, elle peut le plus souvent évoluer par poussées d'épisodes "aigus" et délirants, entrecoupés d'accalmies apparentes dont les délires peuvent sembler absents à l'expert au moment de son examen, cette absence ne présumant pourtant aucunement d'une absence comparable à un quelconque moment antérieur.
Les affirmations de l'expert laissent penser qu'il serait toujours capable, grâce à son expertise psychiatrique, de distinguer les personnes qui étaient délirantes de celles qui ne l'étaient pas au moment des faits, alors que lui-même n'y était pas personnellement présent pour constater la présence ou l'absence de ces "éléments délirants" (sic).

L'expert semble aussi oublier qu'établir des faits, c'est en apporter les preuves matérielles, concrètes et vérifiables. Ce n'est pas donner des faits, a posteriori et sur base de divers témoignages toujours discutables, seulement son interprétation personnelle basée sur ses croyances et ses convictions. Mais ici et dans ce dernier cas, l'expertise s'apparente plus à la récitation et à l'application d'une sorte de bréviaire psychiatrique arbitrairement établi sur base d'un consensus d'opinions - qui, en fait, "n'établit" qu'une sorte de "vérité", d'abord révélée selon une tradition et entretenue ensuite par une certaine rhétorique convenue, familière et bien rodée, plutôt qu'il ne fournit des preuves véritables et tangibles.

De plus, peut-être pour paraître aussi convaincants que possible, pareils avis d'experts, qui ne sont pourtant que des opinions, donc des croyances, sont habituellement émis de façon catégorique, sur un ton magistral et péremptoire: c'est l'exemple par excellence de l'argument d'autorité excluant le doute, voire l'interdisant. Or, puisqu'il ne s'agit que d'opinions, nécessairement elles devraient laisser un minimum de place au doute. Et, en bonne justice, le doute ne devrait-il pas toujours bénéficier à "l'accusé" ?

On ne peut certes s'empêcher d'admirer certains psychiatres pour la force et l'attachement qu'ils ont pour leurs convictions, et pour la confiance inébranlable qu'ils entretiennent en leur propre "jugement" du "mental" des autres. Mais on pourrait sans doute s'étonner plus encore de la crédulité et de l'absence d'esprit critique des journalistes et des juristes et de tous ceux qui se fient, les yeux fermés, à ce qui ne sont que des professions de foi en un certain dogme psychiatrique.