Q9 - La schizophrénie peut-elle "guérir" spontanément?

A propos de la schizophrénie, j'ai lu, sur un "portail santé" d'Internet, que "la maladie disparaît toute seule, vers les 45 ans, chez la moitié d'entre eux [les malades]. La schizophénie est donc une maladie qui a tendance à s'améliorer toute seule, surtout si un traitement efficace (médicament et réadaptation) est suivi". N'y a-t-il pas là une contradiction?

Vous avez parfaitement raison, la contradiction est flagrante. En effet, s'il faut un traitement ("surtout"!), et efficace, encore bien! C'est que, précisément, cela ne s'arrange pas "tout seul". Par contre, si la maladie s'améliorait effectivement "toute seule", pourquoi un traitement serait-il nécessaire? La phrase que vous citez est donc assez étonnante...(peut-être moins qu'il n'y paraît de prime abord, puisqu'elle émane d'un psychiatre ;^)...)
Oubliant, selon toute apparence, son expérience clinique personnelle en faveur d'une vulgarisation résolument simpliste et d'un optimisme forcé, l'auteur de l'affirmation que vous évoquez (mais qu'il est inutile de nommer ici) a probablement voulu se montrer "positif" à tous crins. Cela l'a conduit à proférer une absurdité.
Tout le monde sait bien, aujourd'hui, que "surtout" en l'absence d'un traitement efficace, la maladie a plutôt une fâcheuse tendance à empirer.

Beaucoup de cas de schizophrénie se caractérisent par une alternance d'épisodes dits "aigus" (agités) et de périodes plus calmes (de repli sur soi et de retrait de la vie sociale), donc par des fluctuations très contrastées du discours et du comportement. L'intensité et la fréquence des épisodes dits "aigus" (ou à symptomes "positifs", ceux qui mobilisent et donc dérangent le plus les soignants) peuvent effectivement paraître s'atténuer avec le temps, ce qui, pour des observateurs épisodiques et superficiels, donne l'illusion d'une "amélioration". L'atténuation des épisodes aigus est ce que les psychiatres souvent appellent la "stabilisation" (une diminution de l'amplitude des oscillations), mais le niveau des capacités (intellectuelles, etc.) correspondant à cette "stabilisation" est toujours bien plus bas que celui de départ, celui auquel le malade aurait pu prétendre (avant le début apparent de la maladie).

On trouve encore, dans une certaine littérature psychiatrique, l'affirmation selon laquelle, dans quelque 10% des cas, la schizophrénie ne se manifesterait que par un épisode unique, qui resterait sans lendemain, accréditant ainsi l'idée de "guérison spontanée". Pareille affirmation, qui est encore reprise par nombre de publications actuelles, ne peut que laisser rêveur. En effet, dans ces cas - d'ailleurs insuffisamment documentés - , qu'est-ce qui nous permet d'affirmer qu'il s'agissait bien de "schizophrénie", alors qu'on s'est mis d'accord, aujourd'hui, pour dire que l'affection doit persister pendant un minimum de temps, ou "récidiver", etc., etc., pour pouvoir poser le diagnostic de schizophrénie?

La réponse à votre question est donc NON! Le traitement médicamenteux est toujours indispensable. Il doit être pris de manière continue et définitive (sans interruptions: voyez les notes dans le dossier sur la schizophrénie). Il n'y a actuellement pas de guérison. Que les choses "s'améliorent" ou non n'est jamais qu'une constatation rétrospective, jamais une prédiction. Qui (sauf peut-être un psy?) prendrait le risque de choisir l'absence ou l'arrêt du traitement, qui miserait - sa vie, littéralement - sur pareil choix?


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