Chap. V-5 Note 3

La (les) "psychothérapie(s)" (5/8)

Le Dr Peter Medawar, prix Nobel de médecine en 1960, rangeait, parmi ceux qu'il condamnait sans appel et qui, selon lui, devraient hanter les enfers de sa "République de Pluton", les thérapeutes qui traitent par psychothérapie les patients atteints d'affections organiques du système nerveux (Peter Medawar: "Pluto's Republic", p. 1, Oxford University Press, Oxford, New York 1982, reprinted 1983 ISBN 0-19-217726-5).

En effet, bien des psychiatres et de nombreux "thérapeutes" s'obstinent encore toujours à refuser de comprendre et d'admettre que les troubles schizophréniques sont la conséquence d'altérations cérébrales organiques (c-à-d. matérielles). Ces altérations qu'ils nient ou veulent ignorer, on a aujourd'hui de multiples preuves de leur existence. Le refus de les reconnaître et d'en tenir compte constitue le principal obstacle à une aide efficace et vraiment utile aux malades, et il empêche de progresser dans notre compréhension des maladies mentales .

Chez les tenants du pur esprit considéré comme une chose existant en soi et distincte de la matière, (ils disent:"l'homme n'est pas une machine, même biologique!", sans toutefois dire ce que, selon eux, il serait), l'affirmation de l'organicité des troubles mentaux semble le plus souvent ressentie comme une sorte d'insulte, affreux blasphème ou obscénité insupportable, irrecevable.

Cette conception de "l'esprit" amène nos "psys" à confondre les erreurs de croyances, les erreurs de raisonnement et les déséquilibres émotionnels "de l'esprit" dus aux conditions de vie défavorables, non compensés ni corrigés, voire éventuellement aggravés par une éducation inadéquate (les névroses), avec les croyances aberrantes et les incapacités de raisonnement résultant de défauts matériels dans l'organe donnant naissance à "l'esprit" (les psychoses).

Pareille confusion est de surcroît encouragée par l'abandon des "névroses" dans le catalogue nosologique U.S. des affections mentales (et ce D.S.M.IV est par ailleurs, mais pour d'autres raisons, fortement décrié par de nombreux de nos "psys" non anglophones).

La confusion dénoncée ici est à la base des psychothérapies par la parole.

Premier exemple: les psychanalystes, à la suite de Freud, pensent soigner les malades en leur faisant prendre conscience, grâce à une introspection dirigée et orientée, d'événements présumés traumatisants soi-disant vécus dans leur enfance et depuis refoulés dans un hypothétique inconscient (freudien), événements qui seraient à l'origine de leurs problèmes mentaux.

Deuxième exemple: les thérapeutes cognitivo-comportementaux imaginent revalider les malades schizophrènes en les rééduquant, par diverses méthodes d'apprentissage: mises en situation, jeux de rôles, etc., etc.

Dans l'un comme l'autre de ces exemples, nos thérapeutes se comportent avec les malades schizophrènes comme s'il s'agissait d'enfants "incultes" ou "mal éduqués" ou "dévoyés", dont "l'organe cerveau", parfaitement sain, serait susceptible de répondre très normalement aux "manipulations psychologiques" ou "pédagogiques" (ces dernières assimilables aux conditionnements classique et opérant). Ils ne semblent pas comprendre la différence fondamentale qu'il y a entre le cerveau bien construit mais "mal éduqué et mal entraîné" d'un ignorant ou d'un névrosé et le cerveau "malade et endommagé" d'un malade psychotique.

Le premier type de cerveau peut, toutes proportions gardées, être rééduqué par des méthodes "habituelles" d'enseignement apparentées à celles qu'on mettrait en oeuvre pour éduquer un "primitif" ou un "sauvage" entrant pour la première fois en contact avec une de nos sociétés dites "évoluées".

Nos "psys" devraient se rendre compte que, par contre, face à un cerveau "abîmé" de malade psychotique, seules des méthodes originales apportant une aide pratique, continue et concrète et non plus abstraite (pas simplement épisodique et contemplative), spécialement adaptée à chaque pathologie individuelle, permettraient à ces malades de parvenir à plus ou moins bien se débrouiller parmi nous. Mais on semble s'obstiner à parler aux malades sans en être compris, et à affecter de les écouter sans réellement les comprendre bien qu'on le prétende: on se rend ainsi intéressant à un certain public et sans doute à soi-même, mais ce n'est pas de cette façon qu'on aide réellement les malades.

Aujourd'hui, les successeurs de Freud entendent enfin parler de la "plasticité du cerveau" et, par peur sans doute de paraître dépassés par les neurosciences qu'ils ont toujours méprisées et ignorées, ils prétendent les récupérer. Certains d'entre eux vont même jusqu'à essayer de faire croire que "les neurosciences démontrent la psychanalyse"(!!), que "l'esprit modélise le corps" (??), que "le système nerveux grandit à la demande", que "la gymnastique ... entraîne surtout un accroissement du nombre des cellules [nerveuses]...", etc., etc., tout cela et autres fantaisies du même tonneau à coups de références à des lectures mal digérées ou peut-être même lues seulement par procuration, et à coups de citations délibérément mal interprétées et détournées de leur sens premier. Tout cela pour tenter d'étayer tant bien que mal (et plutôt fort mal!) leur mythologie en perte de vitesse et qui s'effondre. Leurs discours dépourvus de sens montrent bien qu'ils n'ont encore pas compris grand-chose aux neurosciences, mais sans doute n'est-ce pas là ce qui les a jamais intéressés vraiment, pas plus aujourd'hui que depuis plus d'un siècle.

Les "psychothérapies" consistant en "écoute", par le"thérapeute" de la "parole" des malades schizophrènes ne sont que des simulacres de rituels dont les effets se limitent à l'adoption et à l'emploi par les malades, à la longue et à force de répétition, d'un vocabulaire et d'une phraséologie creuse, psittacisme vide manifestement emprunté à leurs thérapeutes. Quelle que soit la durée de cette sorte de "thérapie", elle n'améliore aucunement l'état mental des malades schizophrènes et ne leur apporte, en pratique, aucune aide. On peut dire que ces "psychothérapies"-là ne sont que de la contemplation, par les thérapeutes, des divagations verbales de leurs patients, divagations qui, à leur tour, alimentent les rêveries de ces auditeurs purement imaginatifs mais aussi maîtres à se suggestionner (tant soi-même que leurs clients) que sont les "analystes".

Pareilles "séances" chez le "psy" peuvent, souvent peut-être et plus qu'en apparence, soulager des personnes névrosées, car celles-ci peuvent ainsi se confier à un auditeur bienveillant qui, au moins en principe et ouvertement, s'abstient de les juger et fait preuve d'une absolue discrétion quant à ce qu'il entend. Le fait de parler sans contrainte avec un auditeur plutôt passif ("neutre" ou "impartial"), plutôt que de se "parler à soi-même et tout seul" oblige la personne qui parle à mettre de l'ordre dans ses idées, ne serait-ce que pour faire un récit cohérent et compréhensible à elle-même. Cette démarche et cet exercice peuvent suffire pour que la personne qui les entreprend prenne d'elle-même conscience des "raisons psychologiques" de ses problèmes et parvienne ainsi à leur trouver les solutions qui lui semblent lui convenir.

Entre nous, d'autres confidents qu'un "psy" pourraient vraisemblablement et en principe tout aussi bien convenir pour tenir un rôle d'auditeur au moins aussi attentif, mais on se confiera souvent plus volontiers à un étranger, de surcroît réputé professionnel (dépositaire du savoir), face auquel on éprouvera un rassurant sentiment d'anonymat et dont on sait que les risques de le fréquenter encore à l'avenir sont très faibles, une fois la "cure" enfin terminée (ou abandonnée).


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