Préface pour l'édition de 2006

Du temps où j'enseignais (l'histologie aux étudiants de l'ancienne "Candidature en Médecine" à l'U.L.B.), j'avais constaté qu'environ un cinquième du cours donné aux étudiants aurait pu - ou dû - être remis à jour chaque année, de nombreux passages, voire des chapitres entiers risquant en effet d'être périmés par les apports nouveaux publiés, parfois chaque mois, dans la littérature scientifique internationale. Pour diverses raisons pratiques évidentes (dont les surcharges de secrétariat et d'édition par les Presses de l'Université etc.), pareille réédition annuelle n'était pas possible: j'avais donc opté pour une sorte de demi-mesure consistant à rédiger au fur et à mesure des ajouts et ne les donner à l'impression que lors d'une nouvelle "édition" complète, tous les cinq ans.

Le texte qui suit - qu'on se rassure! - n'est, bien sûr, pas un cours pour des étudiants universitaires, mais seulement une modeste et imparfaite tentative d'information et de vulgarisation à l'intention des parents et proches de malades schizophrènes. Bien que je n'aie plus aujourd'hui, pour me tenir au courant des "nouveautés", les facilités que j'avais au temps où j'arpentais les couloirs de ma Faculté, j'ai pourtant pu me rendre personnellement compte que, bien évidemment et fort heureusement, les neurosciences ne se sont pas figées quand j'ai pris ma retraite. Aujourd'hui, tout comme lorsque j'enseignais (quoique alors dans une discipline en apparence fort éloignée de la psychiatrie), un texte, même s'il parle des schizophrénies et de ses victimes, doit, lui aussi, être sérieusement rafraîchi, même si cinq ans seulement se sont écoulés depuis sa précédente rédaction, à défaut de quoi il risquerait de ne plus répondre aux attentes et aux besoins des lecteurs.

Les neurosciences et nos connaissances sur la structure, le développement et le fonctionnement du cerveau ont fait en quelques années des progrès considérables qui ne peuvent qu'avoir, sur la compréhension des mécanismes des schizophrénies et sur la mise en oeuvre des thérapeutiques destinées à en atténuer les méfaits, des "retombées" importantes. Les malades et leurs proches sont en droit d'en être informés au moins autant que les professionnels chargés d'apporter les soins aux personnes atteintes de ces affections.

Dans la version "papier" précédente (août 2000), des explications complémentaires et des notes, destinées à donner au lecteur les éléments éventuellement nécessaires à une meilleure compréhension des sujets abordés, avaient été rassemblées à la fin du texte principal. Plutôt que de conserver cette disposition, peut-être peu pratique compte tenu des nombreux ajouts survenus en quelques années, j'ai préféré rapprocher ces notes de la première mention de leur sujet, sans toutefois en saupoudrer le texte principal, dont elles se distinguent immédiatement à l'oeil du lecteur par l'emploi d'une police de caractères distincte (caractères italiques).

Ces explications et commentaires reflètent les connaissances, l'expérience, les lectures et les opinions du médecin, chercheur, enseignant, biologiste et neuromorphologiste de métier que j'ai été. Partisan inconditionnel des neurosciences, convaincu de l'absolue nécessité d'y intégrer la psychiatrie, parent de malade par surcroît, l'auteur a lui-même appris, "sur le tas" et en quelque sorte "à son corps défendant", que l'information du public sur les sujets abordés est indispensable pour secouer l'inertie de nos praticiens de la psychiatrie - en particulier en région francophone - pour que cette discipline progresse. Les "usagers" doivent forcer la réconciliation de notre psychiatrie avec la médecine moderne dont, depuis longtemps et pour de multiples raisons, elle s'est insensiblement mais quasi complètement détachée et dont, retour malheureux mais logique des choses, elle s'est fait oublier. Une meilleure connaissance, chez les proches des malades, de ce que sont, réellement, les "maladies mentales", est un préalable obligé de cette réconciliation: il faut que les proches des malades deviennent, face aux psychiatres, des interlocuteurs éclairés, responsables et forçant le respect, non plus des suppliants naïfs, passifs, pitoyables et crédules. Ceci n'est, évidemment, qu'une opinion personnelle. Je la revendique pleinement mais jamais l'idée ne me viendrait d'obliger qui que ce soit à la partager, cela va de soi.

Les progrès des neurosciences et de nos connaissances sur les mécanismes responsables de la manifestation des troubles mentaux ne peuvent qu'être bien trop lents encore au goût des malades et des leurs. C'est pourquoi ce qui était dit déjà dans l'introduction de 1997 et 2000 reste, à peu de chose près, valable: mes motivations et mes justifications sont restées inchangées, même si la reconnaissance de la nature biologique et fort concrète des affections schizophréniques a heureusement commencé à faire son chemin dans les consciences en général.

J.D.
Bruxelles, été 2005


SUITE: Chapitre I - Introduction

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