Chap. V-1
Note 2

Un seul épisode psychotique.

Un épisode aigu unique est, par définition (des psychiatres) et par convention, considéré comme distinct d'une schizophrénie. Diverses dénominations ont été données à ce type de "phénomène psychiatrique" limité dans le temps. Les énumérer ici ne présente aucun intérêt. L'utilité pratique de cette distinction de l'épisode unique, d'un point de vue thérapeutique (qui, à mon humble avis, est le seul qui importe vraiment - car tout le reste n'est que littérature -), est pour le moins contestable, et a donné lieu à de nombreuses discussions et polémiques entre professionnels, portant sur la question de savoir s'il faut en traiter les cas par neuroleptiques ou non. Pareilles polémiques ne pouvant être résolues ni dans un sens ni dans un autre, elles sont régulièrement reprises à l'occasion de "rencontres, colloques et journées d'étude psychiatriques" dont les conclusions, quoique très verbeuses, sont nécessairement non concluantes.

En effet, au moment où il éclate pour la première fois, rien ne permet de prédire si un "épisode psychotique" sera unique ou, au contraire se répétera (ce qui, par définition, constituerait une bonne raison de l'appeler schizophrénie). On ne pourrait en décider que rétrospectivement, après avoir attendu un temps dont personne ne peut d'avance connaître la durée (au bout de laquelle l'épisode se serait - ou non - reproduit!)

Par conséquent si, pour respecter le "principe de précaution" si cher à certains mais dans d'autres domaines, on choisit d'administrer une médication neuroleptique dans l'hypothèse d'un premier (?)"épisode unique" et pour peut-être en prévenir un second, peut-on se permettre d'interrompre ou d'arrêter la médication, et au bout de combien de temps?

Tant que nous n'aurons aucun critère biologique nous permettant de distinguer à l'avance un épisode unique sans lendemain d'une affection chronique à épisodes aigus récurrents, cette question ne sera pas résolue et chaque praticien ne pourra y répondre qu'en fonction de ses croyances plutôt que de son savoir: il lui faudra parier. Osera-t-il faire franchement part à son patient de cette incertitude et du pari qu'il fait?

J'irai même plus loin: tant que, chez nous (ni peut-être ailleurs), on ne s'efforcera pas sérieusement de rechercher ces critères biologiques, il y aura très peu de chances qu'on les trouve et que la question soit tranchée; mais on pourra bien sûr continuer de se réunir "pour y réfléchir", indéfiniment.


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