Chap. V-2
Note 2

La "crise" apaisée en apparence et le traitement médicamenteux considéré comme "au point", les psychiatres parlent alors de "stabilisation" de l'affection et du malade.

Il est très important que les familles et les proches des malades soient bien avertis que cette "stabilisation" n'est pas synonyme de "guérison" ni même de "rémission" de l'affection. Stabilisation ne signifie pas non plus retour à l'état antérieur ayant précédé les premières manifestations des troubles mentaux. Comme déjà dit plus haut, stabilisation veut en réalité dire atténuation et maîtrise des "signes positifs" de l'affection et, si possible, prévention de leur réapparition (ce qui, de la part des professionnels prétendant être capables d'en donner l'assurance, suppose qu'ils sont doués de prescience... Le sont-ils vraiment ou, plus simplement, s'en persuadent-ils d'abord pour mieux nous en convaincre à notre tour? En réalité, il s'agit de constatations statistiques a posteriori, établies sur l'ensemble des malades et valables "en moyenne" et "en général". Face à un individu en particulier, rien n'est jamais vraiment prévisible, il faut avoir l'humilité de le reconnaître.)

Il faut de plus prendre conscience que la "stabilisation", c'est le rétablissement, grâce à la médication, d'un fragile équilibre entre les sentiments et les émotions du malade, d'une part, et ses processus de pensée et ses capacités de raisonnement d'autre part (on pourrait dire aussi, entre sa cognition et ses émotions).

Cet équilibre est d'abord obtenu en milieu hospitalier où, en plus de la médication, on s'efforce de contrôler l'environnement de manière à favoriser la routine et à minimiser les imprévus (certains, dans le jargon idéologique un peu simpliste de la santé mentale, disent que "le malade se recrée des repères", ce qui n'est qu'une illusion: en fait, on le place dans un monde dont les routines sont prévisibles pour lui, c'est-à-dire qu'on recrée pour lui un monde où on lui épargne les surprises et où, en principe, il ne risque pas d'être confronté à quoi que ce soit d'inquiétant ni qu'il croirait menaçant).

Ce contrôle de l'environnement permet aussi aux soignants de juger plus rapidement et avec plus de certitude des effets, favorables ou non, dûs à la médication sans devoir tenir compte d'influences extérieures éventuellement déstabilisantes, toujours difficiles à identifier et à quantifier, donc à prévoir. Voyez aussi
Mise au point
Traitement adapté

Mais il est toutefois indispensable de ne jamais perdre de vue les conséquences obligées de cette façon d'obtenir la "stabilisation": l'équilibre ainsi réalisé en milieu hospitalier contrôlé et "protégé", comment croire qu'il sera nécessairement toujours conservé à l'extérieur, alors que le malade y sera soumis, quoiqu'on fasse, à une multitude de nouvelles sollicitations et stimulations inconnues, imprévisibles et incontrôlées dont rien ne permet de prédire s'il pourra ou non y faire face? (Et il n'est aucunement fait allusion ici à des comportements "pathogènes" de tiers ou de membres de la famille, comme certains continuent à le croire et parfois même à l'insinuer).


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