Chap. II
Note 1

La schizophrénie est ce que les médecins appellent un syndrome.

En médecine "somatique" (du corps), on appelle "maladies" des affections bien individualisées que l'on identifie par leur(s) cause(s) et par la cascade des mécanismes conduisant à la manifestation de leurs signes et symptômes morbides (et dont l'histoire, le déroulement, le pronostic présentent des caractéristiques se retrouvant et se répétant de manière prévisible chez les différents malades).

Ni les causes ni les mécanismes des maladies mentales que les psychiatres appellent psychoses ou troubles psychotiques n'étant connus à ce jour (printemps 2006), la schizophrénie n'est donc que ce que les médecins appellent un "syndrome", c'est-à dire le regroupement, plus ou moins arbitraire, dans un même tableau descriptif "clinique", de symptômes et de signes observés chez un malade. La définition de la schizophrénie se base donc uniquement sur la nosologie psychiatrique, c'est-à dire sur une classification arbitraire, intuitive, un catalogue fait de critères purement descriptifs d'observation. Les dénominations différentes attribuées aux multiples syndromes psychiatriques chroniques ne permettent pas de présumer de leurs causes ni de leurs mécanismes. Elles permettent moins encore de décider si causes et mécanismes, toujours hypothétiques, seraient distincts ou non d'un syndrome à l'autre. Elles n'autorisent jamais à affirmer qu'il s'agit de maladies toutes différentes les unes des autres. Inversement, et sauf pétition de principe, elles ne permettent pas non plus d'affirmer avec certitude que deux malades différents présentant le même syndrome psychiatrique seraient bien atteints d'une même maladie. Par conséquent, ces affections qu'on appelle les "maladies mentales" pourraient bien n'être en fait que des ré-assemblages artificiels et aléatoires de signes et symptômes. Personne aujourd'hui ne sait si les mosaïques ainsi recomposées ont une réelle existence unitaire, leur "identité", ou s'il s'agit seulement de ce que les biologistes pourraient plus correctement désigner du terme technique mais combien évocateur de chimères psycho-biologiques.

En médecine dite "somatique", la nosologie est aujourd'hui quasi totalement abandonnée. Elle ne joue plus qu'un rôle minime, limité à l'élaboration d'une sorte de catalogue de pathologies regroupées d'après des critères descriptifs intuitifs, arbitraires, souvent obsolètes ou même réfutés. Un tel catalogue n'a pour utilité que de guider le clinicien praticien dans les choix de diagnostics possibles parmi toutes les pistes plausibles s'offrant à lui (faire le diagnostic différentiel). Le diagnostic choisi sera ensuite confirmé ou infirmé par les résultats d'examens "matériels" (analyses de laboratoire, imagerie médicale, etc.) Voyez aussi
Signes et symptômes

Pareils examens "matériels", jusqu'il y a peu n'existaient pas, qui auraient permis de préciser les diagnostics des affections psychiatriques. Quoiqu'ils apparaissent peu à peu aujourd'hui, nos praticiens n'ont pas encore pris l'habitude d'y recourir. Nombre d'entre eux semblent répugner à s'en servir, apparemment nostalgiques d'une nosographie plus philosophique et littéraire que scientifique.


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