Que veut-on nous dire? A qui croit-on s'adresser? (Où va-t-on chercher ceux qui parviennent à pondre de pareils lieux communs à l'eau de rose?)
En fin d'année 2001, après avoir concocté et largement répandu son Rapport 2001 sur la santé dans le monde, consacré à "la santé mentale" (v. notre article Casques bleus),
l'O.M.S. PERSISTE et SIGNE.
A l'adresse www.who.int/m/topicgroups/mental_neurological_disorders_disabilities/fr/index.html, on trouvait [encore il y a peu**] cette définition tout à fait remarquable à bien des points de vue:
"La santé mentale est un phénomène complexe déterminé par de multiples facteurs sociaux, environnementaux, biologiques et psychologiques, qui dépend en partie du succès de la mise en oeuvre des mesures de santé publique visant à lutter contre les troubles neurologiques et psychologiques tels que la dépression, les troubles anxieux, la schizophrénie, la démence et l'épilepsie."
(Mental health is a complex phenomenon which is determined by multiple social, environmental, biological and psychological factors. It depends in part on the successful implementation of public health efforts to control neurological and psychological disorders such as depression, anxiety disorders, schizophrenia, dementia and epilepsy.)
(** depuis le mois d'août 2002, ce fichier n'est plus accessible. Aurait-on éprouvé le besoin de revoir la copie?)
La santé mentale est un phénomène? Où avait-on
trouvé cela?
Non! La santé [mentale], ce n'est pas un phénomène.
Ce n'est qu'un mot, une idée. C'est un concept.
Ce concept rassemble et résume la représentation
que nous nous faisons du fonctionnement correct de [notre
système nerveux en harmonie avec] notre organisme tout entier.
C'est ce bon fonctionnement qui nous permet [à notre organisme]
de vivre dans le monde qui nous entoure et de nous y adapter, pour pouvoir continuer
à y vivre même lorsque ce monde, progressivement, change - et,
plutôt que d'énoncer des définitions circulaires, certains
feraient mieux de prendre conscience que le monde change de plus en plus rapidement,
principalement par la faute de l'Homme.
Si l'ensemble de notre corps fonctionne bien (de manière satisfaisante), c'est parce que chacun de nos organes est en bon état de marche (matériel), et parce que ces organes, dans leur conformation actuelle, avec leurs rapports réciproques qui en font un ensemble, sont le résultat de l'évolution des espèces et de la sélection naturelle qui sont à l'oeuvre depuis l'apparition de la vie sur terre.
Qu'elle soit mentale ou autre, la "santé" n'a jamais existé que dans l'imagination humaine. L'homme a imaginé la santé [mentale] dans son esprit, la construisant à partir de son absence et la déduisant de ses imperfections. De manière comparable, il définit ce qu'il appelle le bien (ce qu'il aime) par le contraste qu'il fait avec ce qu'il considère être le mal (ce qu'il n'aime pas).
La santé [mentale] ne devient réalité humaine
que rétrospectivement, à partir du moment où elle a disparu
et dans la mesure où elle a disparu. On n'en a donc conscience que pour
autant qu'on sache, (par expérience personnelle et par l'observation
des autres), qu'elle peut être "diminuée" ou détruite
.
Une fois détruite, elle n'existe plus qu'en souvenir, comme une sorte
de paradis perdu. La santé [mentale], c'est donc bien et avant
tout "l'innocence avant la chute", c'est l'absence de la maladie [mentale],
sa négation. La santé [mentale] n'est pas "déterminée"
par des éléments extérieurs à l'Homme, c'est une
donnée, une caractéristique propre à l'espèce humaine,
un état de fait dont on ne prend conscience que quand il est modifié,
altéré, exactement comme, selon la Genèse, Adam et Eve
n'ont su et pu apprécier ce qu'était le jardin d'Eden, où
pourtant ils se trouvaient, qu'après qu'ils en eurent été
chassés.
En regard de la durée d'existence de l'espèce humaine homo sapiens sur terre, la mise en oeuvre des mesures de santé publique n'a encore que l'âge d'un instant. Par conséquent, prétendre que la santé [mentale] serait déterminée et dépendrait, ne fût-ce qu'en partie, du "succès des mesures de santé publique...etc.", est un non-sens. Si c'était vrai, soit nous serions une espèce fossile éteinte depuis longtemps et nous ne serions pas là pour en parler, soit les populations humaines du monde entier compteraient aujourd'hui une écrasante majorité de malades mentaux (et on peut supposer que l'O.M.S. ne tiendrait alors pas, sur la "santé mentale", le langage que nous lui connaissons).
La définition de la "santé mentale" par les fonctionnaires de l'O.M.S. équivaut à affirmer que la santé mentale n'est en effet qu'une denrée en quelque sorte artificielle, un produit de l'activité sociale humaine, la récolte par les pouvoirs publics du produit de leur lutte contre les maladies mentales (si la récolte est bonne, il y aura peut-être de la santé mentale dans les rayons des magasins, mais y en aura-t-il pour tout le monde cette année?)
Les facteurs (les causes) psychologiques
qui "détermineraient la santé mentale" n'ont jamais
été que supposés ou imaginés, jamais ils n'ont pu
être prouvés, nombre d'entre eux ont même été
clairement réfutés. Il en va de même pour les facteurs
sociaux, et ce sont précisément des études scientifiques
épidémiologiques soutenues par l'O.M.S. elle-même qui ont
suggéré que la fréquence des affections mentales chroniques
graves était indépendante des types de société et
de civilisation, et assez uniforme parmi toutes les classes sociales, et cela
dans le monde entier.
Comment un organisme comme l'O.M.S. peut-il continuer à faire état
d'hypothèses comme s'il s'agissait de faits prouvés, alors que
les études, que souvent lui-même il suscite, depuis pas mal de
temps les réfutent ou, pour le moins, les mettent sérieusement
en doute?
L'O.M.S. a annoncé, à grand renfort de publicité, la mise en place de son projet "ATLAS" qui, en procédant au recensement mondial des ressources mises en oeuvre en faveur de la "santé mentale", permettrait enfin de brosser un tableau général de la lutte pour la "santé mentale" dans le monde. Tous les pays ont fourni les renseignements dont ils disposaient (ou qui leur paraissaient pertinents) à l'O.M.S., qui les a ensuite résumés et rassemblés dans une série de fichiers disponibles sur son site web. Celui qui contient les renseignements concernant la Belgique porte la dénomination Atl2BroEnP2bFinal.PDF.
Si l'on veut en croire ce document, il paraît que la Belgique aurait une politique de santé mentale, mise en place en 1988 et amendée en 1990. L'Etat fédéral et les Communautés [linguistiques] prenant en charge différents aspects de la santé mentale, il y aurait donc, à la fois, une politique nationale et une politique communautaire de la santé mentale.
Il paraît qu'un programme national de santé mentale est en place, qui a été formulé en 1990, et auquel diverses modifications (adaptations) ont été apportées depuis.
Il paraît qu'il y aurait: 25 lits psychiatriques par 10.000 habitants, 18 psychiatres par 100.000 habitants, un neurologue par 100.000 habitants. On ne connaît pas le nombre d'infirmiers (/infirmières) psychiatriques, de psychologues ni des assistantes et assistants sociaux travaillant dans le secteur de la santé mentale.
Voudrait-on nous faire prendre le paraître pour l'être?
Le fichier Atlas pour la Belgique nous affirme que la récolte des
données épidémiologiques concernant la santé mentale
est assurée au moyen du document appelé Résumé
Psychiatrique Minimum (RPM), établi
pour chaque patient. Ce qu'on ne nous dit pas, c'est
que l'utilité réelle de ce formulaire est parfaitement illusoire
et que, entre eux et à juste titre, les psychiatres en "rigolent"
doucement. Ce qu'on ne nous dit pas, c'est que nos
ministres eux-mêmes reconnaissent le "manque criant" de données
épidémiologiques (v. Entre
les Lignes) que le RPM ne peut combler.
Ce qu'on ne nous dit pas, c'est la répartition géographique
des "lits psychiatriques". On ne nous dit pas non plus qu'il
y en a de différentes catégories: pour les cas "aigus",
pour les cas "chroniques", pour les enfants, etc., etc., et on ne
nous en donne pas les proportions.
On ne nous dit pas non plus combien de "lits psychiatriques" sont
disponibles dans des institutions "fermées",
c.à.d. là où, en cas d'urgence, des malades mentaux peuvent
être hospitalisés et mis en observation "sous contrainte".
On ne nous dit pas que pareilles institutions sont en permanence saturées,
qu'elles sont donc trop peu nombreuses et qu'on est donc fréquemment
obligé d'hospitaliser des malades, par exemple francophones, dans des
hôpitaux de régime linguistique différent, loin du domicile
de leur famille, en dépit des droits humains élémentaires
que par ailleurs on proclame défendre.
Si on nous dit qu'il y a 18 psychiatres pour 100.000 habitants, on ne nous dit par contre pas combien d'entre eux consacrent la totalité ou la majeure partie de leur activité professionnelle aux malades mentaux psychotiques chroniques se trouvant dans les instituts psychiatriques ou qui les fréquentent assidument. On ne nous dit pas combien d'entre eux se contentent, à longueur de semaine dans leur cabinet privé, d'écouter des personnes atteintes du "mal-de-vivre" déballer leurs problèmes "psychologiques".
En somme, les autorités belges ont assuré l'O.M.S. que la Belgique a un "système de santé mentale" qui fonctionne et est doté de tous les perfectionnements souhaitables. Mais force est de constater qu'il est impossible, même pour ceux qui en auraient la responsabilité, de savoir si cela fonctionne de manière satisfaisante.
En effet, ni l'O.M.S., ni nos responsables politiques ne semblent s'être préoccupés de se doter de moyens d'évaluation valables et fiables permettant de juger de l'utilité réelle du système, de son efficacité.
Dans ces conditions, quel est l'intérêt des rapports de l'O.M.S. sur la SANTÉ MENTALE?
C'est, d'abord, de faire croire que certains sont chargés de "prendre soin de nous";
c'est, ensuite, de faire croire qu'ils s'acquittent effectivement de cette tâche;
C'est, enfin, de justifier l'utilité et les besoins de ceux qui élucubrent les rapports.
La distinction entre l'être et le paraître, vous la saisissez?
Non seulement ils persistent, mais ils s'obstinent!
Errare humanum est, perseverare...
A l'adresse http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs220/fr/,
on peut trouver un texte intitulé: "Renforcement
de la promotion de la santé mentale" (aide-mémoire
n° 220, révisé en novembre 2001).
On y trouve, entre autres proclamations dépourvues de sens utile, ce
qui suit:
"Les politiques nationales de santé mentale ne
doivent pas limiter leur action à la maladie mentale mais aussi reconnaître
et tenter de résoudre les grands problèmes affectant la santé
mentale dans tous les secteurs de la société."
Ceci équivaut à confondre l'élimination ou l'atténuation
de multiples facteurs de risques purement hypothétiques (les maladies
mentales étant considérées comme "d'étiologie
multifactorielle") avec la prévention de ces maladies, ce
qui est prendre ses désirs pour la réalité et, de surcroît,
parfaitement démenti par l'expérience et les statistiques épidémiologiques.
En 1989 déjà, le Dr Petr Skrabanek (avec James McCormick,
Trad. Française: "Idées
folles, idées fausses en médecine", Odile Jacob édit.,
Paris 1992) écrivait de manière fort imagée et compréhensible
pour tous (mais apparemment pas pour l'O.M.S.): "...Les
accidents de la circulation dépendent de la conjonction de nombreux
facteurs: le taux d'alcool sanguin, le caractère et l'humeur des conducteurs,
leur vue et le temps qu'il fait. Personne ne parle d'étiologie multifactorielle
à propos des accidents de la circulation. Cette expression est réservée
aux maladies de cause inconnue. Elle est donc synonyme d' "inconnu"
et n'est qu'un euphémisme pour exprimer notre ignorance."
Et la prévention d'événements de cause inconnue est une
impossibilité évidente, un non-sens. Encore faut-il le savoir...
Les aide-mémoire et recommandations de l'O.M.S. conseillent donc de
répartir et diluer - à l'infini - tous les efforts de lutte
contre les maladies mentales sur une multitude d'activités diverses
qui n'ont, éventuellement, de rapports que très lointains et
fort hypothétiques avec ces maladies. Entre cela et ne rien faire,
quelle différence? Et, pour tous les pays qui suivent ces conseils,
quels bons alibis pour, effectivement et "vigoureusement", s'activer
à ne rien faire!
et d'autres, forts de cet exemple, en profitent pour emboîter le pas à l'O.M.S. et, en même temps, l'encouragent à poursuivre ce mirage:
C'est ce dont on peut se convaincre en consultant, à l'adresse http://www.wfmh.org/wmhday/wmhdfrench2002/missionvisiongoals.html, le site web de la Fédération Mondiale pour la Santé Mentale (WFMH), où on peut lire, par exemple:
"La WFMH a été créée en 1948 afin de promouvoir, [...] la prévention des troubles mentaux et émotionnels [...] et promouvoir la santé mentale."...
ou encore:
"Des programmes conséquents et efficaces sont axés sur la recherche, la formation et les services de promotion de la santé et du fonctionnement mentaux, optimaux, la prévention des troubles...", etc., etc.Eh! Bien, dites donc, si des programmes efficaces de prévention (?) ont été mis en oeuvre dès 1948, comment ces visionnaires bienfaiteurs de l'humanité expliquent-ils les constatations et les prévisions (prédictions!) pourtant apocalyptiques de l'O.M.S. (auprès de laquelle ils sont accrédités) sur la progression générale des maladies mentales dans le monde? Auraient-ils présumé de leur efficacité "objective"?
et, malgré que le temps passe et que les années défilent, malgré que les connaissances que nous avons des maladies mentales s'accumulent, s'améliorent et se diffusent dans le grand public,
l'O.M.S. / W.H.O., par la voix de son Secrétaire Général (à l'occasion de la "Journée Mondiale de la Santé Mentale" du 10 octobre 2004), s'obstine à dire que: "[...] de nombreuses personnes souffrent à la fois d'une maladie mentale et d'une maladie physique." (sic)
On proclame aussi:
"C'est pourquoi, lorsqu'on traite une maladie, il faut examiner la personne globale, dans tout son ensemble." (sic)
(Communiqué
de presse SG/SM/9500 - OBV/438)
Ainsi formulée, la première phrase laisse croire que, selon l'OMS
et son Secrétaire Général, les maladies mentales ne seraient
pas des maladies physiques.
Et que seraient donc alors, pour l'O.M.S., ces maladies "non
physiques", sinon des maladies prétendument
"imaginaires"?
Et pareille croyance, n'est-ce pas un encouragement explicite pour n'opposer
aux maladies mentales que des "traitements
imaginaires et non
physiques ou virtuels",
eux aussi?
Quant à la deuxième phrase, tous les médecins du monde,
s'ils ont été correctement formés et s'ils ont un minimum
de pratique, savent bien qu'on ne "traite pas des maladies", mais
qu'on "soigne des personnes malades".
Le Secrétaire Général de l'O.M.S. ne l'aurait-il appris
lui-même que récemment? Ou craindrait-il que ses confrères
praticiens sur le terrain - loin des bureaucrates - l'aient oublié?
Si c'est là tout le message et "l'action" que l'O.M.S. parvient à trouver pour une "Journée Mondiale", on ne manquera pas de se demander à quoi pareille "Journée" pourrait bien servir, sinon à justifier les émoluments des rédacteurs de communiqués de l'O.M.S. ! (Et on ne devrait pas s'étonner - ni trop s'affliger - si cette "Journée" passait inaperçue...)
Première publication: 20 Avril 2002 | (J.D.) | Dernière modification: 25 Octobre 2004 |