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"Betont sei, daß die Diagnostik der einzelnen Phänotypen nur volkommen ist, wenn sich am Patienten alle charakteristichen Symptome diagnostizieren lassen. Geht man von diesem Weg ab, verfehlt man unweigerlich die richtige Diagnose. Schon einzelne, vor allem qualitative Veränderungen schließen die richtige Diagnose definitiv aus."
Prof. Dr. med. Gerald Stöber, in Jack Foucher, BOD édit., 2009: 35 psychoses, p. 12. ISBN 978-2-8106-1552-0
(Insistons sur le fait qu'on n'aboutit au diagnostic des phénotypes individuels que si tous les symptômes caractéristiques peuvent être diagnostiqués chez le patient. Pour peu qu'on s'écarte de cette approche, on s'interdit d'arriver au diagnostic correct. Déjà, [ne] tenir compte [que] d'altérations isolées principalement qualitatives exclut définitivement d'aboutir au diagnostic correct.)

Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.

Jean de la Fontaine: Le lion et le rat.

DES MOTS AU SENS DÉNATURÉ ou qui ne signifient plus rien
jamais ne permettront, à ceux qui nous les jettent généreusement à la figure,
de tenir les promesses impossibles des phrases qu'ils fabriquent au moyen de ces mots.

Dans la plupart des textes diffusés par nos "professionnels de la santé mentale", mais bien plus souvent encore dans les proclamations utopiques (électoralistes, démagogiques et fantaisistes, c.à.d. irresponsables) présentées par nos hommes et femmes politiques investis de l'autorité et de "compétences" officielles en "Santé Mentale", on rencontre fort fréquemment des termes et des expressions en apparence banales et anodines, mais dont le sens, pourvu qu'on s'y arrête ne serait-ce qu'un instant pour y prêter [quand même] attention, ne peut que sembler incompréhensible ou à tout le moins fort ambigu, en particulier à cause du contexte dans lequel on les a très intentionnellement utilisés.

Parfois, les rédacteurs eux-mêmes de ces textes, peut-être (ou probablement?) conscients du manque évident d'intelligibilité de leur vocabulaire pour le commun des mortels, proposent à l'intention des lecteurs des glossaires devant leur permettre d'interpréter leur jargon [pseudo]-professionnel aussi qualifié de "technique" (deux qualificatifs qui toujours s'efforcent de suggérer, mais bien à tort, tout à la fois que le jargon garantit le "sérieux scientifique et professionnel d'une information fournie" et qu'il témoigne de la "compétence" de ceux qui s'en gargarisent).

Bien trop souvent, ces dictionnaires ad hoc m'ont paru négliger et peut-être même délibérément omettre certains termes qui mériteraient pourtant d'être clairement définis, et dont leurs utilisateurs mettent abusivement (et peut-être tout aussi délibérément) la polysémie à profit pour en faire la base des raisonnements (des syllogismes) et des arguments spécieux ou totalement erronés qu'ils espèrent faire avaler sans trop de difficulté à un public profane excessivement respectueux et crédule au point d'en devenir timide et obséquieux envers l'autorité détentrice du pouvoir et d'un savoir supposé.

A mon tour, je me suis moi aussi laissé aller à fantasmer. J'ai rêvé qu'il pourrait être utile de construire ici une liste de ces mots et de ces expressions - bien sûr non exhaustive mais susceptible d'être progressivement augmentée au fil du temps - , accompagnés d'explications de leurs sens usuels que l'emploi courant et ordinaire du langage nous a rendus familiers. Des exemples de leur usage dans les textes "officiels" ayant trait à la "Santé Mentale" seraient proposés conjointement, pour illustrer le sens éventuellement nouveau qu'avec une ingénuité de façade nos experts en communication tentent de conférer à ces mots dans ce contexte particulier.

J'ose espérer que la confrontation, d'une part de l'usage courant des mots compréhensible par chacun, avec d'autre part l'emploi des mêmes mots, mais cette fois dans le discours des professionnels et des responsables politiques de la "Santé mentale" de notre pays, devrait rendre le contenu véritable du discours politicien plus immédiatement accessible et évident à tous. De nos jours, on dirait que les discours "autorisés ou officiels" sur la "Santé Mentale" pourraient en acquérir plus de "transparence". Mais aussi, je soupçonne qu'après un tel décryptage critique, désormais ils risqueraient fort d'être généralement devenus beaucoup moins convaincants ou plus difficilement pris au sérieux; voire ce qui serait plus souhaitable encore: peut-être que carrément on les rejetterait.

Peut-être qu'ensuite, on pourrait aussi espérer que ceux qui, aujourd'hui encore, tiennent ces discours, finiraient bientôt par se sentir obligés d'un peu mieux connaître, reconnaître et respecter les réalités propres aux affections mentales et à toutes leurs conséquences. Ce sont ces réalités qu'en fait et depuis longtemps toute personne sincèrement intéressée au sort des malades mentaux peut aisément constater par elle-même "sur le terrain" (pour autant, bien sûr, qu'elle soit assez motivée pour s'en donner vraiment la peine plutôt que de ne s'en tenir qu'à des on-dit et aux apparences d'une sollicitude tout artificielle de convenance et de commande!).

Aujourd'hui encore par contre, pour de multiples raisons et prétextes possibles (entre autres, la facilité, le confort intellectuel - la "bonne conscience" - ou souvent encore par suffisance autoritaire pleine de préjugés, très irréfléchis et saturée de certitudes et d'autosatisfaction, les anglo-saxons appellent cela "arrogance", c.à.d. de la morgue), la plupart de nos responsables, c.à.d. nos politiques mais malheureusement souvent aussi de soi-disant professionnels ou "spécialistes" habituellement se contentent (se permettent) d'ignorer et/ou de passer sous silence ces réalités, sans doute pour eux trop dérangeantes et parce qu'ils n'y ont pas de véritable réponse.

Certaines des expressions dont les exemples vont suivre étaient monnaie courante il y a plus de deux décennies déjà. Ces derniers temps, je croyais, sans doute quelque peu naïvement, que le bon sens avait fini par faire justice des non-sens qu'elles véhiculent, et qu'elles avaient heureusement été abandonnées, que les gens avertis y avaient sagement renoncé. Mais voilà-t-il pas qu'elles resurgissent toujours bien vivaces dans les documents que nos ministres belges de la santé viennent tout récemment de diffuser à nouveau? (Voyez donc la 2ème partie de Du Vent; c'est à croire qu'en 2010 on ne sait que nous mener en bateau par de pauvres "copier-coller" d'élucubrations ministérielles et administratives éculées, datant de 1990/92 et pourtant réfutées depuis longtemps dans de nombreuses études menées un peu partout dans le monde). C'est pourquoi je me suis senti forcé d'y revenir une fois de plus ("Ecrasez l'infâme", martelait déjà Voltaire).

Premier exemple:

Les soins psychiatriques intensifs
(parfois encore un peu plus "intensifiés" et alors qualifiés de "les plus intensifs possibles") est une expression parfaitement dépourvue de sens qui a manifestement frappé l'esprit de nos communicants officiels de la Santé Mentale (elle aussi officielle); elle leur a plu, ils la répètent très souvent et de toute évidence ils l'affectionnent; ils semblent imaginer que plus souvent les adjectifs et adverbes qu'ils emploient sont mis au superlatif, mieux la "force" et la "conviction" dont ils seraient chargés se transmettraient aussi, [comme] par magie [du verbe], aux actions tout imaginaires qu'ils prétendent "intensifier", même si ces actions (les soins psys), par nature mais dans la réalité concrète cette fois, ne sont susceptibles d'aucune "intensification" (à moins qu'on ne nous propose, ici encore, bien qu'à mots couverts, par exemple des surdosages en psychotropes et neuroleptiques multiples et divers, c.à.d. des méthodes depuis longtemps déconseillées voire proscrites dans tous les "Guides" internationaux de bonnes pratiques?)

On connaissait déjà les déforestations extensives et intensives, les cultures intensives (céréalières et autres) de l'industrie agroalimentaire, et aussi l'élevage intensif des porcs et des diverses volailles, par exemple. Tout le monde sait et comprend le sens du qualificatif employé dans ces contextes (ce sens, c'est celui de produire - des choses à vendre et à consommer - de manière à obtenir le plus haut "rendement" possible: par les moyens les moins coûteux possibles, produire la plus grande quantité possible en un temps le plus court possible, au détriment, entre autres, de la qualité du produit, sans se soucier de l'environnement et bien souvent en faisant courir des risques à la santé du producteur aussi bien qu'à celle du consommateur).

Depuis longtemps en médecine, on connaissait aussi des unités de réanimation, d'urgence et de soins intensifs (les U.S.I.) dont disposent les hôpitaux, les pompiers et les SAMU. Tout le monde sait et comprend qu'il s'agit dans ces cas de soins fort concrets destinés à sauver et maintenir la vie et l'intégrité physique de personnes dont le "pronostic vital et fonctionnel" est gravement menacé dans l'immédiat ou à court terme (grands blessés et traumatisés, grands brûlés, intoxiqués graves, noyés, etc.).

Mais les politiques, et même les "professionnels" qui nous parlent de soins psychiatriques intensifs (ce qui à leurs yeux sans doute suggèrerait une "efficacité plus grande" ou "un meilleur rendement", par allusion et association verbale abusives avec l'agriculture et l'élevage dits intensifs), eux qui pourtant se disent les "experts" compétents et prétendent en assumer les responsabilités, ils ne sont néanmoins jamais désireux ni même capables de nous expliquer de manière cohérente (rationnelle, plausible et crédible) en quoi pareils soins "intensifs" consistent et, surtout, quelle est leur spécificité psychiatrique. En effet, à la différence des soins techniques parfois très sophistiqués qu'on peut aujourd'hui prodiguer aux malades et blessés "physiques", l'existence de soins équivalents ou comparables en psychiatrie n'est en réalité qu'une invention de pure imagination, le nom qu'on leur donne n'est qu'une métaphore non pertinente et [volontairement?] mensongère: plus simplement, si peut-être et par chance extraordinaire les soins psychiatriques intensifs pouvaient exister, personne ne les a encore découverts ni même réellement inventés (conçus), sauf peut-être dans des fictions littéraires ou romanesques de pure imagination!

Et pourtant, dans leur tout récent "Guide vers de meilleurs soins de santé mentale", nos ministres préconisent encore toujours la mise en place "de petites unités [qui sont] caractérisées par des séjours de courte durée, d'une grande intensité et fréquence, d'un encadrement spécialisé." (sic; que signifie donc l'expression "des séjours d'une grande intensité", sinon qu'elle est une éclatante et superbe ânerie et qu'elle dévoile l'indigence de réflexion et l'ignorance consternantes de ceux qui s'en servent?)

Tout le monde le sait aujourd'hui sauf, apparemment, en premier les responsables politiques mais aussi d'imaginatifs experts professionnels (les premiers s'entourant des seconds qui leur soufflent le contenu de leurs proclamations et déclarations d'intentions), "les séjours de courte durée" rendent complètement aléatoire voire illusoire l'établissement correct de tout diagnostic fiable, ils empêchent de mettre au point le "bon traitement". Ils ne permettent pas non plus de corriger un traitement qui, dans les conditions où on prétend le "mettre au point", ne peut jamais être que mal adapté à chaque patient individuel (ces "tailleurs de soins" bâclent du "prêt à porter" mal taillé à la va-vite plutôt qu'ils ne s'efforcent de consciencieusement et méticuleusement faire l'indispensable "sur mesure" - et ils n'y consacrent jamais le minimum de temps qui y serait vraiment nécessaire).

Les personnels "acteurs professionels" affectés à ces "séjours" s'interdisent à eux-mêmes, ainsi qu'à leurs patients lorsque ceux-ci retourneront "dans la société", toute chance d'une véritable "stabilisation" durable de l'affection. Mais cela veut dire aussi que, par conséquent, ils favorisent grandement, c.à.d. avec une probabilité élevée proche de la certitude, les "rechutes" prochaines et à peu près inévitables de la psychose: ainsi, ils "fidélisent" à court terme la patientèle (leur "clientèle"), ils entretiennent et pérennisent les conséquences chaotiques des affections qu'ils prétendent traiter; ce faisant, ils oublient l'essentiel: l'essentiel, c'est soigner les personnes et en prendre soin (c.à.d. les aider et les accompagner de près sans plus jamais les perdre de vue).

C'est pourquoi sans doute nos décisionnaires politiques ne peuvent éviter (s'empêcher?) de mentionner, mais comme s'ils s'en félicitaient, mais en s'efforçant de la trouver souhaitable et en paraissant par conséquent l'approuver et l'encourager (alors qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils devraient au contraire s'en excuser), la "grande fréquence" (sic) des séjours résidentiels [les plus] courts et [les plus] intenses [possibles] sans toutefois jamais [oser?] aller jusqu'à reconnaître la véritable raison de l'insupportable répétition chaotique (une sorte d'inadmissible hoquet) de ces "séjours" que depuis longtemps pourtant ils ne peuvent plus [et ne devraient plus] prétendre ignorer: ils négligent prudemment toute allusion au syndrôme de la porte tournante ou "revolving door" que doivent subir de nombreux malades comme conséquence logique et inévitable de leurs traitements trop approximatifs (ou même fantaisistes et injustifiés!) et habituellement bien trop sommaires et expéditifs.

Ceux qui ont l'inconscience (à moins que cela ne soit, à la limite, de la désinvolture, voire de l'impudence?) de s'obstiner à proférer des contrevérités depuis longtemps dénoncées et réfutées, et d'aveuglément s'obstiner à en recommander et à en prévoir la mise en œuvre, non seulement ils se discréditent, mais pire encore, ils se disqualifient complètement dans l'exercice de leurs professions et fonctions officielles.

Deuxième exemple:

Les "circuits de soins"
tels que définis en 2010 par nos ministres, "c'est l'offre en ssm" [soins de santé mentale - J.D.] "pour un groupe cible d'âge spécifique au sein d'un territoire de fonctionnement" (sic). Confronté à pareille définition, le profane ne peut qu'exprimer sa perplexité: en quoi cette définition justifie-t-elle le moins du monde l'usage du mot de "circuits"? Et que signifie ce mot dans le contexte où il apparaît? Est-il vraiment nécessaire? Est-il à tel point important que si on l'omettait, l'annonce de "l'offre" des soins psychiatriques "mis à disposition" des malades dans une zone géographiquement définie serait moins "vendeuse" ou moins crédible?
On croirait pouvoir trouver une autre définition des circuits de soins à la section 9 de l'article 11, §1 du Moniteur Belge du 07.11.2008. Mais on se tromperait, car bien malins et virtuoses entraînés à traduire le verbiage administratif ceux qui, après lecture des quelques lignes de ce grimoire à la syntaxe et à la grammaire particulièrement bancales et indigestes, seraient capables de s'en inspirer pour en concrétiser utilement la mise en œuvre et la pratique ("l'implémentation"!) dans la réalité du terrain.

Peut-être estime-t-on que l'idée soi-disant "novatrice" de circuit doit rester quelque peu mystérieuse en effet - puisqu'on ne l'explique ni ne la justifie jamais en langage simple et compréhensible - , peut-être veut-on en faire un mystère qui doit sans doute auréoler de "nouveauté" les "soins" annoncés, les parer d'une "séduction" que peut-être on souhaite irrésistible aux yeux des jobards pour lesquels on nous prend. Tandis que, si on nous l'expliquait clairement, chacun réaliserait vite que le concept n'a rien de novateur ni de difficile à comprendre. Malheureusement, en y réfléchissant un peu, on s'apercevrait aussi et bientôt que sa mise en application pratique - et efficace! - suppose une logistique dont le poids financier excèderait de loin celui du bien piètre système actuel (dont on prétend ne pas alourdir les dépenses) et dépasserait de beaucoup ce à quoi nos décisionnaires seraient prêts à consentir!

Comme je l'évoquais ailleurs déjà (v.Quatre Ans), le concept déjà ancien des circuits de soins a germé dans d'autres pays que le nôtre et a été mis en œuvre [à l'essai] par des initiatives privées souvent bénévoles et d'ampleur et de durée forcément très limitées. Le nom de circuits désignait alors les fréquentes tournées régulières de suivi entreprises par de petites équipes itinérantes de soignants (avec ambulance, en liaison avec des centres hospitaliers dont elles étaient cependant indépendantes) auprès de petits nombres de malades chroniques non hospitalisés (c.à.d. sortis de leur institution de soins) et dispersés dans leurs divers domiciles. On voulait ainsi s'assurer du maintien, de la stabilité de leur "bon" état de santé mentale du moment, ainsi que de leur bonne observance de leur traitement.
Cette notion simple et claire a toutefois disparu de la définition actuelle des "circuits de soins" concoctée par nos ministres belges de la santé et le mot de "circuit" ici ne correspond en fait plus à rien. Le conserve-t-on parce que "cela sonne bien", ou parce que personne parmi nos ministres et au sein de leurs cabinets n'avait rien compris au concept original, ou encore pour faire croire que des équipes soignantes "spécialisées"[?], mobiles et motorisées allaient "tourner" dans des circuits (p.ex. d'un "éventaire" ou d'un "stand" de malades à l'autre, bien sûr comme une allusion voilée mais suggestive aux circuits de courses moto- et automobiles [p.ex. de Francorchamps? - changer les pneus et reserrer les boulons] à la plus grande vitesse possible pour que le résultat soit automatiquement "le meilleur possible")? (A moins qu'on n'ait voulu ainsi évacuer en l'édulcorant l'expression péjorative du "parcours du combattant" effectivement évocatrice de circuits très pénibles?)

Le terme de [tournez] manège (sous-entendu: ministériel, comme de juste) ne serait-il ici pas plus approprié? (toute parenté ou ressemblance avec un jeu télévisé de même nom bien connu serait purement fortuite - mais sans doute pourrait opportunément suggérer, à ceux qui veulent y croire, qu'il s'agirait d'un de ces fameux "actes manqués" dont certains "psys" sont férus).

Dans une lettre au président de la Chambre des représentants, datant déjà de 1998, Mme Magda de Galan, alors ministre de la santé, disait des projets caressés en imagination par nos "experts" et politiques, projets sur lesquels le vulgum pecus pouvait tout au plus fantasmer: "Cette réforme est basée sur les besoins de la population et doit conduire au développement des circuits de soins. ..." (j'ai souligné) (v. Les Revendications).

Remarquons que si les fameux "circuits de soins" étaient évoqués dès 1998, ils étaient, alors déjà, tout aussi imaginaires et de réalisation aussi improbable qu'ils le sont encore toujours aujourd'hui... même pour nos "responsables, concepteurs et organisateurs de la santé mentale" (nos décideurs politiques et leurs aides experts techniciens, "psychanalyticologues" et scribes bureaucrates de cabinets ministériels). Alors déjà, on parlait de "réponse aux besoins de la population", révélant ainsi, et assez étourdiment, que cette parole n'était chez nous que l'expression d'une idée de ministre, une pure présomption statistique et abstraite (et tout à la fois arbitraire et hypothétique, puisque basée uniquement sur des extrapolations à notre pays de données épidémiologiques provenant de l'étranger, données dont la Belgique ne disposait pas elle-même pour sa propre "population").

A cette occasion, il aurait mieux valu se souvenir et reconnaître que cette fois, il s'agissait non pas des "besoins de la population", mais plus exactement des droits élémentaires [fort mal respectés] à l'accès aux meilleurs soins qu'on devrait défendre pour rencontrer les besoins fort particuliers (bien qu'extrêmement divers) d'une fraction silencieuse habituellement négligée voire ignorée de la "population", c'est-à dire de nombreuses et très concrètes personnes individuelles malades chroniques (et fort mal recensées de surcroît! v. Entre les Lignes). Mais sans doute pareille admission n'aurait-elle été que difficilement conciliable avec la traditionnelle et habituelle "com" politicienne, électoraliste et bien rodée qui ne s'adresse qu'à la généralité abstraite du plus grand nombre (la "population", celle qui est capable de s'exprimer en votant!) ou, si vous préférez, la "com" assez retentissante ("démago") et "ratissant large", comme on dirait aujourd'hui.

Enfin, et bien que certains puissent trouver cela un "détail" d'importance secondaire, on ne peut cependant pas non plus ignorer l'expression "groupes cibles d'âge spécifique" que nos décisionnaires politiques et nos technocrates bureaucratiques utilisent conjointement avec leurs soi-disant "circuits de soins". Ce n'est en effet qu'un terme caractéristique de marketing propre au langage des commerciaux, des publicitaires, des lobbies et groupes de pression les plus divers. Il recouvre un concept de "ciblage d'une clientèle potentielle à recruter ou à manipuler", concept qui est dépourvu de toute pertinence tant en "santé mentale" en général qu'en psychiatrie en particulier. Par là même cette expression trahit la totale ignorance et, dans la foulée, la compétence pour le moins discutable (théorique comme pratique) sur la nature et les effets de pathologies très diverses et multiples chez ceux qui, prétendant "cibler" les victimes de ces pathologies tout en les "regroupant" très inconsidérément et artificiellement, s'embourbent dans l'abstraction de leur vocabulaire "administrativo-technocratique".

L'exemple suivant: (le troisième)

est indissociable du précédent dont il est le frère siamois: c'est celui des "réseaux de soins psychiatriques". Ces réseaux forment, (voyez l'article du Moniteur Belge mentionné plus haut), avec les circuits de soins psychiatriques, un magnifique exemple de définition circulaire, c'est-à dire de ce qu'on appelle aussi une pétition de principe. Souhaitons bonne chance aux naïfs de bonne volonté qui s'efforceront de les mettre en place et de les faire fonctionner le temps qu'il faudra.
Nos ministres et technocrates théoriciens de la santé mentale ne savent manifestement pas comment peut naître un réseau, comment on le crée, comment il peut vivre. Ils ne connaissent que le son (mais pas le sens) des mots dont on se sert pour en décrire le concept.

Ils n'ont semble-t-il pas compris le sens de ces mots quand ils sont utilisés, comme c'est le cas ici, en même temps dans deux mondes distincts, peu voire non compatibles entre eux: d'une part dans notre monde réel tel qu'il est aujourd'hui (le monde de "tout le monde") et comme se le représente une majorité dite "normale" de la population qui, ne vivant pas avec les malades mentaux, est d'abord indifférente à leurs problèmes (par ignorance et égoïsme), et d'autre part dans le monde de cauchemar des vrais malades mentaux (ce sont deux mondes que les profanes rêveurs naïvement croient pouvoir concilier et mélanger).

Nos "responsables" auraient été bien mieux inspirés de s'informer auprès des concepteurs et des créateurs de réseaux existant déjà dans d'autres domaines, par exemple et pourquoi pas? Internet pour ne citer que celui-là (qui, vu son succès envahissant, aurait pu leur venir immédiatement à l'esprit). Ils auraient ainsi pu en apprendre les rudiments fondamentaux et les conditions et critères indispensables à la création et au fonctionnement pratique de réseaux qui peuvent fonctionner et le font bien, au lieu de se perdre dans un semblant de jargon totalement creux et stérile.

(Notons ici en passant que l'Institut Wallon pour la Santé Mentale avait mis en ligne sur la toile un épais document au format .PDF ambitionnant de passer pour un "Rapport de recherche" (??) et intitulé "Travail en réseau en santé mentale", daté de octobre 2007 déjà. Se fiant à ce titre, on aurait pu espérer y trouver, sur les réseaux de soins psychiatriques, toute l'information et les explications que peut souhaiter un public intéressé mais profane. Las, ce "document" très verbeux (118 pages, 956,383 Kb), peu cohérent, décousu (désordonné) et au fil logique très peu conducteur, dès le départ ne contient aucune définition préalable utilisable de la "santé mentale" [ni par conséquent de ce que sont les maladies mentales et les malades mentaux], ni des "réseaux de soins psychiatriques", ni même l'énoncé, qui aurait dû être préalable lui aussi, de[s] but[s] que devraient se fixer les "soins" psychiatriques et des moyens pratiques à mettre en œuvre pour atteindre ce(s) but(s). Ce très confus et indigeste pensum mal structuré n'a donc d'intérêt et pour principale et peut-être seule utilité pratique que d'éventuellement remplir (étoffer) les espaces restés libres sur les étagères des bibliothèques personnelles et privées de ses auteurs et multiples collaborateurs. Sans doute pourra-t-il quand même contribuer à parfois clarifier et ordonner les idées de ceux-ci - si jamais ils s'armaient d'assez de courage et de réelle patience pour prendre le temps de se relire d'un œil non seulement attentif, mais aussi et surtout, critique.
C'est sans doute aussi pourquoi les récents communiqués ministériels à propos du dernier (et prochain?) "grand chantier de la santé mentale" annoncé ne semblent pas avoir puisé la moindre inspiration dans ce "Rapport de recherche" (qui est plus exactement la laborieuse tentative de "brainstorming" d'un "think tank" pléthorique plutôt qu'une véritable recherche!). Cependant, alors que les ministres (et leurs rédacteurs - leurs "nègres") auraient pu saisir cette frêle perche tendue et en profiter pour au moins corriger certains de leurs préjugés et fantasmes depuis longtemps périmés, leur "Guide vers de meilleurs soins en santé mentale" (www.psy107.be) ne fait aucune allusion aux quelques réflexions intéressantes qui se cachent parfois de-ci de-là au sein de ce "rapport", et il n'en tient bien sûr aucun compte. (http://www.serpsy.org/reseau/reseau.pdf ).

Je compte revenir bientôt sur une approche rationnelle, évidente et même nécessaire de réseau pour les soins psychiatriques, qui mériterait à elle seule son propre article. C'est pourquoi, et pour ne pas alourdir plus encore le présent article, je n'en parlerai que plus tard.

Cliquez SUITE pour lire la seconde partie de l'article.


Première publication: 17 Septembre 2010 (J.D.) Dernière modification:17 Septembre 2010

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