Chap. V-5 Note 3

La (les) "psychothérapie(s)" (1/8)


"The great trouble with religion - any religion - is that a religionist, having accepted certain propositions by faith, cannot thereafter judge those propositions by evidence. One may bask at the warm fire of faith or choose to live in the bleak incertainty of reason, but one cannot have both."
Robert A. Heinlein, Friday, p. 306 (NEL 1982/1983 - ISBN 0-450-05549-3)
"Le gros problème avec la religion - quelle qu'elle soit - est que tout adepte, dès qu'il a accepté certaines de ses vérités sur base de sa foi, ne peut ensuite plus en juger sur la base de preuve objectives. On peut jouir de la chaleur réconfortante de la foi, ou bien choisir de vivre dans la morne incertitude de la raison, mais on ne peut avoir les deux."

Jusqu'il y a peu, beaucoup de nos psychiatres n'admettaient qu'avec de grandes réticences, sinon avec une répugnance manifeste, la nécessité de recourir aux médicaments pour soigner les malades schizophrènes. Ils disaient que ces médicaments sont les "béquilles" auxquelles il faut bien se résoudre pour s'en aider comme adjuvant de la psychothérapie, cette dernière étant, selon eux, l'élément déterminant du "traitement". Et, même si elles ne se proclament plus aussi catégoriquement qu'auparavant, les réticences des "psys" n'ont pas disparu pour autant. Comme il s'agit ici du traitement de "psychoses" plutôt que de celui de "névroses", on peut se demander sur quelles bases factuelles ces opinions reposent. Le crédit que chacun leur accordera dépendra sans doute de la forme et du contenu que chacun prêtera aux psychothérapies car, depuis longtemps, ce vocable passe-partout a été mis à toutes les sauces.

Quand on tente de définir le mot psychothérapie, soit grâce au dictionnaire, soit en se référant à des ouvrages spécialisés (mais destinés au grand public), on s'aperçoit que les définitions proposées sont fort imprécises.

Ceux qui, chez nous en Belgique, désireraient s'affubler du titre de "psychothérapeute" ont eu jusqu'à présent toute latitude pour le faire, et ce n'est que depuis peu que nos gouvernements successifs ont tenté de réglementer l'accès à cette profession, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'ils soient parvenus à un résultat cohérent ni satisfaisant pour les usagers qui, en fonction de leur cas particulier, individuel, auront à choisir parmi ces "professionnels" aux compétences, en principe, désormais très officiellement étendues.

Les "psychothérapies" et les "théories psychanalytiques" sur lesquelles de nombreuses pratiques "psychothérapeutiques" prétendent se baser ou auxquelles elles empruntent n'ont, selon moi, aucune valeur ni aucun intérêt pour le traitement des schizophrénies, et je répète ici cette affirmation avec insistance, sans m'embarrasser de nuances inutiles, même si elle doit très vraisemblablement provoquer les protestations véhémentes de nombreux "intervenants de la santé mentale".

J'aurais donc tendance à conseiller aux membres des familles la plus grande circonspection envers les propositions qu'on pourrait leur faire de suivre, avec et pour leur malade schizophrène, une soi-disant psychothérapie. Ils devraient à tout le moins se faire expliquer au préalable et en détails en quoi la psychothérapie projetée consisterait et quelles en seraient les justifications théoriques. Ainsi prévenus de ce à quoi ils s'engageraient éventuellement, ils pourraient alors prendre leur décision (pour ou contre) en connaissance de cause.

Les "psychothérapies" de dénominations les plus diverses sont en effet devenues la raison sociale et le fonds de commerce d'un grand nombre de personnes certes débordant de bons sentiments, mais aux qualifications intellectuelles et professionnelles les plus variées et variables (tout comme leur connaissance des psychotiques - ne parlons surtout pas de "compréhension" des psychoses). Beaucoup d'entre ces personnes, sous le prétexte affiché de ce que j'appellerais, faute de mieux, "bienfaisance paramédicale" et "humanitarisme social", exploitent, quoique d'abord à leur profit personnel (au profit de l'image qu'elles croient ainsi donner d'elles-mêmes, plus que par souci de l'intérêt véritable des malades), la crédulité et le malheur des malades et de leurs proches.

Je veux bien croire que, se donnant ainsi bonne conscience, sans doute la majorité d'entre elles sont-elles de bonne foi et persuadées de l'utilité de l'action qu'elles croient mener en faveur des malades. Mais aussi, malgré des résultats thérapeutiques très maigres que peut-être elles s'imaginent obtenir, et en dépit des années qui s'écoulent, elles me semblent en général fort peu soucieuses de jamais procéder au bilan de leurs activités en adoptant le point de vue de l'intérêt des malades eux-mêmes (l'amélioration effective de leur état mental et de leurs conditions de vie), et elles ne me paraissent pas jamais remettre en question leur réelle efficacité pour atteindre les objectifs qu'elles disent poursuivre.

Les définitions du mot psychothérapie qu'on peut trouver dans les dictionnaires de la langue française, ou dans des ouvrages spécialisés, ou encore sur les sites Internet de notre gouvernement fédéral belge (santé publique) ou de nos associations professionnelles de "psys" sont de magnifiques exemples d'accumulations de tautologies et de pétitions de principes mises bout à bout. Permettez-moi de vous les épargner. Résumons-les plutôt le plus possible: telles qu'elles sont comprises par une majorité de nos psychothérapeutes, les psychothérapies mises en oeuvre dans les soins qu'on prétend donner chez nous aux schizophrènes, c'est, très généralement, la thérapie par la parole. C'est aussi, selon quelques ténors fort médiatisés de certaine psychiatrie universitaire française et plus généralement francophone, ce que parfois ils appellent "l'échange intersubjectif par la parole" qui seul permettrait le soulagement de la "souffrance psychique".

Thérapie par la magie de la parole, la psychothérapie ainsi comprise puise ses origines dans la psychanalyse (Freud, Lacan, et leurs multiples successeurs, héritiers, émules et imitateurs) qui privilégie plus particulièrement l'introspection des patients, l'interprétation dirigée et sollicitée ("l'herméneutique" fantaisiste et arbitraire, à géométrie variable toujours individuellement adaptée à"la tête du client" telle que la voit le thérapeute): de leurs rêves, délires, et de ce qu'on prétend être les manifestations de leur "inconscient" réprimé ou "refoulé" (sous-entendu: "freudien"). Paradoxalement de la part de ces héritiers de Freud, de nombreux psys actuels semblent s'obstiner à oublier que Freud lui-même avait renoncé à soigner les malades psychotiques et déconseillait la psychanalyse pour le traitement de ceux qu'aujourd'hui on appelle les malades schizophrènes.


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