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"...we are much better at understanding behavior than we are in predicting or controlling it."
Michael Shermer: Science Friction, Times Books, Henry Holt & Co, New York 2005, p.98 (ISBN 080-50-7708-1)
(nous comprenons bien mieux le comportement que nous ne sommes capables de le prédire ou de le contrôler)

Variations sur des thèmes déjà fort rabâchés mais toujours incompris.

Il y a peu, le drame du crime sanglant et spectaculaire survenu sur le site d'un hôpital psychiatrique à Pau (Pyrénées Atlantiques, France) a été un prétexte commode pour que les médias et la presse, même hors de France, reparlent abondamment de maladies mentales et du danger que le public imagine que les malades mentaux pourraient constituer pour la société. La tragédie de Pau a aussi été une occasion supplémentaire de mettre en lumière les conditions trop souvent déplorables dans lesquelles les professionnels de la psychiatrie et les institutions psychiatriques doivent remplir leurs missions, et elle a attiré à nouveau l'attention sur les carences et les défauts de la Santé publique dans le domaine de la psychiatrie (remarquons que ces carences ne sont pas limitées géographiquement à la France: elles se retrouvent dans d'autres pays européens, dont la Belgique: ne les ignorons donc pas!).

Des débats plutôt confus ont eu lieu (dont certains ont été télévisés) sur ce qu'il conviendrait de faire pour éviter que pareilles tragédies ne se produisent ni ne se renouvellent à l'avenir, et l'éternelle question - habituellement fort mal posée - des suites judiciaires (pénales) qu'il conviendrait ou non de donner à ces crimes a provoqué des polémiques et des discussions dont il faut bien reconnaître qu'aucune conclusion claire ni pratiquement utilisable ne s'est jusqu'à présent dégagée.

Ces sujets ont déjà été abordés dans différentes pages de ce site (v., entre autres, Casse-TêteParadoxes, Violence) où j'ai tenté d'apporter quelques éléments d'explication susceptibles, du moins je l'espère, d'éclairer un peu l'opinion des profanes. A mon grand regret, je dois reconnaître n'avoir personnellement pas les solutions toutes prêtes à proposer pour aplanir les nombreux et graves problèmes de santé et de sécurité publique soulevés par les maladies psychiatriques: pour les malades eux-mêmes, pour leurs proches et leur entourage, pour la société en général. Mais si j'en juge par ce que nos professionnels (belges) de la psychiatrie eux-mêmes acceptent habituellement d'en dire, et peut-être plus encore par ce que, depuis toujours, la plupart d'entre eux s'abstiennent de dire, je soupçonne qu'ils ne détiennent pas plus que moi les solutions à ces problèmes.
Il serait temps qu'ils s'en expliquent franchement et ouvertement, et qu'ils informent correctement le public et les politiques de ce qu'est, de ce que peut et ne peut pas, aujourd'hui, la psychiatrie:

Rabâchons donc:
dans notre pays, les politiques ( v. www.mr.be) continuent d'affirmer que "La santé mentale n'est pas seulement l'absence de trouble ou de pathologie particulière: c'est un état général de bien-être et de bonne intégration dans la société;" (sic). Ce discours - du plus pur psittacisme - est fidèlement calqué sur celui, standard, de l'O.M.S./W.H.O., dont l'absurdité a été dénoncée et justement tournée en ridicule par le Dr Petr Skrabanek il y a déjà plus d'une dizaine d'années (v. Livres), c'est celui contre lequel nous nous insurgeons sur ce site (et, parmi nos "politiques" de tous bords et partis, il ne manque pas de médecins, qu'ils soient devenus députés ou sénateurs - voire ministres - qui, s'ils se souvenaient mieux de leur profession première et de son éthique, pourraient au moins s'interroger sur le bien-fondé de leur adhésion à pareille aberration).

Rappelons que, de manière flagrante, pareil discours confond volontairement les effets de la pression économique et sociale sur l'individu avec le mauvais état de santé ["mentale"] de la personne. Cette confusion ne peut avoir pour résultats (et pour buts?), que de méconnaître les véritables malades mentaux, que de les négliger délibérément au profit d'une illusion de fausse "bienfaisance sociale", vague, diluée à l'infini sur une multitude d'improbables cibles hypothétiques, diffuse et plus virtuelle que réelle, plus riche en discours creux qu'en actions véritables.

En bref, on entretient une illusion destinée à laisser subir et faire accepter à chacun (soit de gaîté de coeur, soit au moyen d'interventions "psychothérapeutiques"?) les difficultés économiques et sociales que traverse notre société. Citons à nouveau ces deux psychiatres français de l'hôpital Sainte-Anne à Paris (ne seraient-ils pas une assez bonne référence psychiatrique? v. Quatre Ans) qui demandaient, récemment encore: "Pourquoi laisser perdurer la confusion entre psychologie et maladie, au point d'ignorer la réalité de la maladie psychiatrique?"

Comme cela a déjà été répété à de multiples reprises dans divers articles de ce site, les psychiatres et la psychiatrie (et les médecins et paramédicaux en général) ne sont pas là pour trouver du travail, le "vivre et le couvert" aux chômeurs, voire pour enseigner une certaine culture, pour recommander un certain "art de vivre" plutôt qu'un autre qu'on désapprouverait, pour vanter les bienfaits de loisirs, s'ils sont "convenables" et bien choisis, à des personnes éventuellement nanties mais désoeuvrées et autres oisifs se sentant "mal dans leur peau".
Pas plus qu'ils n'ont à faire accepter aux gens leurs conditions d'existence si elles sont réellement difficiles, ils n'ont à les aider à s'en consoler. Ce sont pourtant ces deux derniers rôles que certains voudraient nous faire croire que les psychiatres jouent ou devraient jouer. Et cette erreur est entretenue et mise à profit (mais pour leur seul propre profit!) par tous les "psys" autoproclamés qui s'intronisent "psychothérapeutes", directeurs et manipulateurs de consciences, et qui favorisent délibérément la confusion entre psychologie et maladies psychiatriques, entre imagination et réalité.

En d'autres termes, faut-il "psychiatriser" des découragements, incompréhensions, protestations et mécontentements pourtant bien compréhensibles (légitimes ou normaux, pourraît-on dire)? ...
...Même si (surtout si!) certains ignorants, voire peut-être hypocrites irresponsables (qui se retrouvent dans tous nos partis politiques sans exception!) veulent faire passer un très explicable déficit de "l'état général de bien-être" et un défaut de "bonne intégration dans la société" (tout aussi explicable par les seules conditions socio-économiques) pour ce qu'ils appellent, trop commodément, de façon très expéditive et tout aussi mensongère, une mauvaise "santé mentale".

Pareils sophismes reviennent, en premier lieu, à prêcher la résignation aux malheureux [économiques et sociaux] pour n'avoir pas à mettre en oeuvre les moyens de combattre les causes réelles de leurs malheurs. Ensuite, ils entretiennent la fiction selon laquelle les vrais malades mentaux - ceux qui ont un "trouble ou une pathologie particulière" (sic), mais sur lesquels le discours officiel glisse sans s'arrêter - seraient "pris en charge" correctement grâce aux seuls effets d'annonce des "responsables de la santé mentale".

Par exemple, l'affirmation de la fermeture des "lits psychiatriques " ne nous est-elle pas, en effet et déjà en soi, présentée comme la démonstration irréfutable qu'il y aurait moins de malades mentaux ayant besoin de soins psychiatriques? Ne laisse-t-on pas entendre ainsi qu'ils seraient "guéris"? Ne prétend-on pas ainsi, automatiquement, apporter la preuve évidente (mais aux yeux de qui?) de l'efficacité de nos "Services de Santé Mentale (ou SSM)"?

Supprimer les "lits psychiatriques" (ce serait, selon certains de nos élus, la "politique de l'Europe", alors vous voyez bien!), c'est donc, pour nos représentants élus, la meilleure manière d'apporter la preuve [fausse!] qu'on a aussi pu "supprimer" les malades mentaux qui y étaient accueillis, et on peut insinuer par là qu'on les a guéris après les avoir correctement "pris en charge". Et on peut ensuite se permettre de refuser d'entendre les cris de ceux qui, pour autant, n'arrêtent pas de clamer: "ils ne sont pas guéris, et maintenant, où doivent-ils aller?". Puisqu'il s'agit de malades prétendument "pris en charge sans lits dont ils n'ont désormais plus besoin", ce qui est à peu près synonyme de "ils n'existent plus", leur problème est considéré comme "réglé".

Mais ils continuent quand même d'exister... sans que personne ne veuille plus rien savoir d'eux ... sauf ceux qui les connaissent réellement parce qu'ils les aiment pour les avoir désirés puis mis au monde, pour avoir vécu avec eux et pour eux. On ne veut rien savoir d'eux, sauf ceux qui les ont élevés, ceux qui ont assisté à l'éclosion de cette étrange infirmité dont, eux les premiers, ils ont perçu avec inquiétude la nature "pathologique". Ceux-là, veut-on les écouter? Leur donne-t-on des explications crédibles et acceptables justifiant de ne tenir aucun compte réel de leurs appels, remarques et revendications incessantes?

Personne ne veut reconnaître que, dans l'état actuel de nos connaissances, les malades psychiatriques (les schizophrènes et les dépressifs, p.ex.) ne sont pas encore réellement curables (guérissables) (ce que même les "professionnels", dans leur majorité, n'osent [s'] avouer franchement). Dès que les professionnels hospitaliers pensent les avoir "stabilisés" par un traitement neuroleptique qualifié d' "intensif" (quel est donc, dans ce contexte, le sens de ce qualificatif, sinon celui de la volonté de bluffer le citoyen lambda?), ils ne savent quoi faire (d'utile) de plus à l'hôpital pour ces patients (dès lors, "libérons des lits et fermons en le plus possible": pour obtempérer aux directives ministérielles et faire des économies, et pour libérer la place réduite restante pour traiter "intensivement" les nouveaux arrivants et les anciens, ceux qui ne peuvent manquer de "récidiver" et de nous revenir).

Alors, ces "professionnels" envoient les patients sommairement "stabilisés" se faire voir ailleurs, sans trop se soucier de savoir ce qu'est cet ailleurs, s'il existe vraiment, sans s'informer des conditions de "soins" qui y prévalent, et ils semblent espérer qu'ainsi les proches des malades seront portés à croire à une sorte de guérison (cela pourraît se résumer par l'expression: bah! Pour nous, "psys" de métier, ces anciens patients sont à présent loin des yeux, loin du coeur. Et, quand on proteste, des "professionnels" d'ajouter: "Nous n'y pouvons rien, c'est la seule manière que nous ayons d'évacuer le problème insoluble que votre malade nous pose." - Croyez-moi, cela, "ils" me l'ont dit à moi aussi, je n'invente rien, je parle d'expérience personnelle).

Cet "ailleurs" où ils se débarrassent (c'est le seul mot qui convienne) des malades psychiatriques qu'ils croient avoir "stabilisés", cela peut être, au mieux pour ces derniers, leur famille s'il y en a encore une; cela peut être un lieu d'accueil plus ou moins bien spécialisé dans l'hébergement de malades psychiatriques ou de personnes mentalement handicapées (peu importe le nom donné à ces "maisons", variable avec la géographie et la nation). En fonction des disponibilités fort réduites, le lieu d'accueil peut aussi se résumer à la rue, tout simplement, et celle-ci est la même partout.

Mais, nulle part ni dans aucune de ces éventualités, la "Santé publique" ne s'est donné les moyens de s'assurer que les patients dont les psychiatres hospitaliers se sont effectivement débarrassés continueront de prendre leurs médicaments pourtant indispensables (c'est ce qu'on appelle d'un mot fourre-tout: le suivi des soins). Et les psychiatres, eux, savent bien (ou devraient le savoir) que, laissés sans surveillance (sans suivi), une proportion élevée de patients négligeront ou même rejetteront leur médication tôt ou tard. Et alors...

Cette non observance du traitement est bien connue. Mais une majorité de nos psychiatres semblent eux-mêmes ne jamais parvenir à s'en souvenir bien longtemps. Ils oublient aussi, délibérément ou non, que la plupart des malades psychotiques chroniques, qu'ils soient "en crise" ou non, ne prendront pas l'initiative de se remettre régulièrement en contact avec eux. Ils semblent plutôt imaginer qu'à partir du moment où ils n'en entendent plus parler, et comme les malades ne leur donnent plus de leurs nouvelles spontanément, c'est, très probablement, parce qu'ils se portent bien (sans doute se disent-ils "Ouf! Pas de nouvelles? Bonne nouvelle! Passons à autre chose" et puis voilà tout).

Si cette croyance est peut-être celle dont ils espèrent se persuader (et je ne serais pas étonné d'apprendre que parfois ils y parviennent), ces psychiatres savent quand même fort bien (ils devraient tous le savoir) qu'elle n'est qu'exceptionnellement confortée par les faits. Ceci devrait les inciter à la réflexion sur leurs responsabilités et leur inspirer une certaine prudence.

En effet, si tout psychiatre hospitalier reconnaît habituellement sans peine qu'il peut difficilement éluder sa responsabilité de thérapeute envers un malade psychotique chronique qui lui est confié, en particulier pendant tout le temps où il l'a en traitement dans l'hôpital où il exerce (son état mental, son comportement doivent alors lui être connus), souvent il estime néanmoins pouvoir s'en décharger au moment de la sortie de son patient de l'hôpital. Ceci est en partie justifié et tout à fait admissible dans la mesure où cette décision de sortie s'accompagne de la délégation effective de la responsabilité "médicale" à des successeurs désignés et habilités qui, en toute connaissance de cause, acceptent de l'assumer, c'est-à-dire qu'ils s'engagent à prendre le relais de la "prise en charge" avec toutes ses conséquences implicites.

Ce transfert de responsabilité s'assortit donc de responsabilités supplémentaires:

puisqu'il décide de l'opportunité de la sortie de l'hôpital, le médecin traitant du moment est censé savoir si la "stabilisation" est solide, et si l'acceptation du traitement par son patient est réelle, crédible dans la durée et bien confirmée. Il faut néanmoins savoir que cette estimation comporte toujours une part non négligeable d'incertitude: plus qu'un pronostic assuré, c'est donc une sorte de pari sur l'avenir.

De plus, si le psychiatre décide de laisser sortir son patient de l'hôpital, on est en droit de supposer qu'il s'est informé au préalable des conditions dans lesquelles son patient devra vivre désormais: c'est-à-dire si son traitement médicamenteux pourra être effectivement assuré en dépit d'une possible répugnance du malade pour la médication. Il doit aussi être certain que l'entourage du patient et ses divers soignants seront en mesure de détecter à temps les signes annonciateurs d'une exacerbation des troubles (une "déstabilisation") et qu'ils seront alors capables, soit de convaincre le malade de retourner à l'hôpital où on le connaît, soit, le cas échéant, de se faire aider pour l'y contraindre (médecins et juge de paix ou procureur du roi en Belgique, - HDT en France -, par exemple).
On est donc aussi en droit de supposer que le psychiatre qui prend la décision de laisser partir le patient prend également soin d'informer et d'instruire en conséquence les personnes chargées de lui succéder dans la "prise en charge" de son patient.

L'expérience en Belgique montre (et les évènements de Pau confirment en France) que les mesures évoquées ci-dessus et qu'à bon droit on supposait prises, restent fort souvent et en grande partie lettre morte. Cette sorte d'indispensable "passation des pouvoirs" de la "psychiatrie hospitalière" vers une "psychiatrie ambulatoire", ou vers une soi-disant "post-cure" - ( en réalité nulle et non avenue; d'ailleurs, qu'est-ce que cette bête-là? Une espèce belge en "voie d'apparition annoncée"?) - , ou encore vers les "soins à domicile" tout aussi aléatoires, ce transfert des soins n'est le plus souvent qu'imaginaire, c'est plutôt un souhait qui n'existe que dans des discours politiciens sur des projets très hypothétiques évoqués sporadiquement, par exemple lors de campagnes électorales.

C'est encore l'expérience qui montre - en Belgique tout au moins - que l'information indispensable pour assurer le "suivi" thérapeutique des malades ne les accompagne que rarement alors que, pour bien faire, elle devrait même les précéder vers leur prochaine destination. L'information médicale nécessaire n'est qu'exceptionnellement transmise en temps utile à ceux qui en auraient besoin lors des longues pérégrinations "thérapeutiques" des patients.
Dans ces circonstances, que ce soit par absence d'information ou par carence de "suivi", l'interruption du traitement et la "déstabilisation" consécutive à brève échéance deviennent une quasi-certitude qu'aucun psychiatre ne peut plus aujourd'hui ni se permettre d'ignorer, ni accepter d'en courir délibérément les risques.

Les raisons invoquées pour excuser ces "dysfonctionnements" sont, en général, de fort mauvaises raisons.

De leur côté, nos psychiatres estiment qu'ils ne sont que médecins et non des travailleurs sociaux. Une fois qu'ils ont prescrit les médicaments psychotropes qu'ils pensent indiqués et après avoir écouté avec plus ou moins d'attention les délires et divagations de leurs patients, ils semblent avoir épuisé toutes les possibilités de leur arsenal thérapeutique.
Quant à vérifier, par eux-mêmes et de manière fiable comment les "choses de la vie" du malade se passent et évoluent en dehors de leur présence, à la suite de leurs "interventions thérapeutiques", il n'en est pas question et ils disent souvent que cela ne fait pas partie de leur mission: ils ne sont pas des travailleurs sociaux.
D'autre part, la plupart d'entre eux ne collaborent pas vraiment ni assez étroitement avec des travailleurs sociaux qu'ils auraient mis bien au courant des pathologies psychiatriques. D'ailleurs, nos psychiatres sont-ils vraiment doués pour la communication, la pédagogie et la vulgarisation? Mais sans doute n'y a-t-il pas non plus assez de travailleurs sociaux spécialisés dans le "suivi" des malades mentaux?

L'autre raison le plus souvent invoquée pour expliquer la mauvaise transmission de l'information aux "intervenants " successifs dans le parcours des malades mentaux est le fameux "secret médical". C'est là un prétexte employé habituellement, fort souvent à mauvais escient, surtout par ceux qui préfèrent les arguties juridiques à l'intérêt bien compris des malades. Ne l'oublions pas: la finalité du secret médical est essentiellement de protéger le malade et le secret doit toujours être observé à son profit, tandis que le respect à toute force de ce secret médical ne peut en aucun cas entraîner de conséquences fâcheuses pour le patient. Une fois ceci admis et bien compris, bien des disputes "juridiques" pourraient être évitées, de même que des interruptions et des retards dans les traitements.

Les risques, découlant de l'absence de "suivi" et d'un traitement par conséquent inadéquat, menacent non seulement, mais tout d'abord le malade lui-même (ce que le grand public, mal informé lui aussi, oublie souvent), et ils menacent aussi, bien plus que le grand public, d'abord l'entourage immédiat et les personnes que le malade côtoie. Ils peuvent même impliquer, quoique moins fréquemment, des personnes que le patient a connues par le passé et a cru peut-être reconnaître par la suite.
Pour le malade lui-même, le risque le plus grand est celui du suicide. Pour autrui, le risque est celui des confrontations et incompréhensions réciproques auxquelles peuvent s'ajouter les fantasmes morbides du malade.
On sait que ces risques se concrétisent rarement, mais d'autant moins rarement et d'autant plus violemment que le traitement médicamenteux est inexistant ou inadéquat. Ces éventuels "passages à l'acte" violents, même s'ils sont la concrétisation d'idées délirantes et de fantasmes existant de longue date, il faut savoir qu'ils ne résultent pas d'une préméditation ou d'une réflexion délibérée comparables à celles qu'on pourrait observer chez des criminels "sains d'esprit". Ils sont la conséquence de la maladie psychiatrique, ils sont la manifestation visible d'une invalidité cérébrale indépendante d'une volonté que la personne atteinte a perdue ou ne maîtrise plus.

Qui sont alors les responsables des crimes parfois commis par des malades mentaux psychotiques? Pour respecter la justice, pour satisfaire et apaiser les proches des victimes de ces crimes, à qui faut-il les faire expier? Est-ce que c'est aux malades eux-mêmes qui ne peuvent s'empêcher de "passer à l'acte" et qui ne savent pas pourquoi ils le font?

Ou bien est-ce à ceux qui ont officiellement accepté de les "prendre en charge" parce qu'ils s'en prétendent capables, mais qui semblent avoir ensuite renoncé à mener leur mission à bien et jusqu'au bout et se sont, pour ainsi dire, lavé les mains des suites de cette démission? Chacun de nous devrait être capable de répondre à cette question et tirer les conséquences de la réponse.


Première publication: 1 Mars 2005 (J.D.) Dernière modification: 8 Août 2005

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